Le grand défi posé au gouvernement Qoreï et aux dirigeants de l'OLP sera de tenir dans les délais les élections devant permettre d'élire le successeur du président Arafat, décédé jeudi dernier à Paris. Les responsables palestiniens, chargés de gérer la période de transition, ont théoriquement moins d'une soixantaine de jours pour réunir les conditions nécessaires à une bonne tenue de cette consultation cruciale pour l'avenir du peuple palestinien. La date du déroulement de l'élection du nouveau président de l'Autorité palestinienne ne devrait pas dépasser le 9 janvier prochain. Malgré le délai raisonnable dont disposent les responsables palestiniens pour préparer ce scrutin présidentiel, le temps néanmoins peut paraître infiniment long et le chemin menant à l'isoloir extrêmement abrupt en raison de la menace constante qui pèse sur la cohésion des Palestiniens et des injonctions incessantes du gouvernement israélien. Le succès de la succession au sein de l'OLP et du Fatah et la réaffirmation par les chefs de Hamas et du Djihad islamique de leur engagement à contribuer à préserver l'unité nationale et à assurer l'après-Arafat permettent un certain optimisme et démontrent une compréhension par les treize mouvements de l'Organisation pour la libération de la Palestine (OLP) des enjeux de l'élection du 9 janvier prochain. La fusillade qui s'est produite dimanche dernier à Ghaza, sous la tente du deuil érigée en l'honneur du défunt président Arafat, qui a causé la mort de deux policiers palestiniens, rend crédible toutefois l'existence d'une menace sur le processus électoral. Si les responsables palestiniens ont tenu d'emblée à minimiser la nature des faits « sans portée politique » qu'ils expliquent par l'« anarchie » ambiante et l'« émotion », ils ont cependant très vite pris leurs devants pour éviter d'être confrontés encore à des situations analogues. Pour prouver sa qualité d'homme à poigne et montrer ses aptitudes à gérer, le chef de l'OLP, Mahmoud Abbas, fortement pressenti pour succéder à Yasser Arafat, a appelé « les services de sécurité palestiniens à contrôler la situation ». « Le chaos est l'une des raisons qui ont conduit à de telles situations, mais je suis convaincu que les responsables civils et policiers feront leur devoir pour contrôler la situation sur le terrain », a-t-il indiqué. Une manière pour lui, sans doute, de mettre en évidence l'idée qu'il ne sera fait aucune concession aux fauteurs de troubles et aux acteurs isolés. Reprise en main L'une des premières initiatives prise par Mahmoud Abbas après l'« incident » de Ghaza aura été d'ailleurs de rencontrer hier des responsables des services de sécurité pour faire un point de situation et prendre les mesures appropriées pour mettre fin au « chaos » dans les territoires. Afin de dégager leur responsabilité dans les événements et rappeler leur attachement à la ligne de l'OLP, le Hamas et le Jihad islamique ont condamné aussi avec véhémence la fusillade. Une réaction analogue est également venue des Brigades des martyrs d'El Aqsa, groupe armé lié au Fatah, pour lesquelles « les incidents regrettables » qui se sont déroulés à Ghaza viennent d'« une poignée de mercenaires recevant des ordres de parties étrangères ». En ce sens, les déclarations des différents mouvements de la résistance palestinienne prouvent que l'OLP reste pour le moment maître du jeu. Mais dans le cas d'un relâchement prolongé, le contexte difficile auquel fait allusion Mahmoud Abbas tout autant que les enjeux liés à la succession à la tête de l'Autorité palestinienne pourraient être effectivement exploités par le gouvernement Sharon pour précipiter durablement les territoires dans le chaos et assister en spectateur à une guerre entre Palestiniens pour avoir en face de lui des négociateurs affaiblis. De ce point de vue, il semble que Abou Mazen, en prenant les choses en main, a bien compris qu'en plus de réussir la future élection présidentielle, il importe surtout d'éviter le déroulement d'un tel scénario catastrophe. Un scénario que Sharon a souvent appelé de ses vœux en poussant sans relâche, mais sans y arriver, le président Arafat à faire le « ménage » dans sa maison. Le père de la nation palestinienne partait d'un principe simple pour maintenir son refus de s'engouffrer dans cette voie macabre justifiée par Israël par les impératifs de la lutte contre le terrorisme : aucune quantité de sang versée n'aurait été suffisante aux yeux de Sharon. Le discours tenu dernièrement par le gouvernement israélien sur la sécurité dans les territoires et les restrictions annoncées sur l'électorat palestinien de Jérusalem-Est tendent à vérifier cet état de fait.