Mes grands-parents y sont enterrés. Le premier l'a été en 1930. Le cimetière d'El Kettar était proche de La Casbah où résidait ma famille. » Moh qui habite à la Rampe Louni Arezki en garde toujours une certaine nostalgie. L'endroit ne peut échapper aux regards de ceux qui transitent par cette rue grouillante de Bab El Oued : ce cimetière qui date de 1838 s'étend à perte de vue. Ce lieu que l'on appelait Dar El Ghrib (La demeure de l'inconnu) puisque n'y étaient « ensevelis » que les étrangers à la cité. L'appellation actuelle, El Kettar, est due aux opérations de distillation de jasmin dans le monument de la Bridja. « Plus de 65 000 tombes se trouvent dans cet espace de 14 ha. Les allées sont encombrées et sont occupées par 1300 tombes », relève Ahmed Djakhnoun, directeur de la Société de gestion des pompes funèbres (EGPFC). Sur les 141 cimetières que compte la wilaya, 45 sont gérés par l'Egpfc, dont 28 sont pour les confessions chrétienne et israélite. El Kettar est l'un des cimetières les plus tentaculaires de la capitale où sont enterrés les morts des quartiers qui l'entourent : La Casbah, Oued Koreich et Bab El Oued dont il épouse les contours. Selon M. Djakhnoun, une étude de faisabilité pour le transfert des corps vers un espace se trouvant du côté du MDN a été menée par le CNERU. Toutefois, les opérations ne peuvent être réalisées en raison de la nature du terrain accidenté et des arbres centenaires, difficiles à déraciner, qui s'y trouvent. « Toutes les allées sont occupées, il en reste certaines que nous devons aménager. Une enveloppe de 20 millions de dinars à été engagée à cet effet et les travaux ne sauront tarder. Seules des réouvertures des tombes sont possibles. On en fait en moyenne 2 à 3 par jour », soutient-il en affirmant que pour libérer les allées, il fallait aussi exhumer les corps, « chose qui n'est pas évidente ». Le cimetière, où reposent d'illustres personnages comme Boudia Rouiched, Papou, K'sentini ou encore El Anka, est sorti de sa sérénité avec l'affaire des faux marbriers, toujours en instruction au niveau de la justice. Accusés de saccage de 17 tombes dans la nuit du 26 au 27 mars dernier, trois marbriers sont passés devant le magistrat près le tribunal de Bab El Oued. Le motif de leur « geste malheureux est, soutient le directeur de l'EGPFC, la concurrence qu'ils se livraient pour s'approprier le marché ». Appréhendés par les agents de sécurité de l'EPIC, ces faux marbriers, âgés de 30 à 40 ans, ont été présentés devant le procureur de la République qui les a mis sous mandat de dépôt. L'un d'eux a été condamné à trois ans de prison, alors que les autres ont été libérés. Des occupants dans le cimetière, il y en avait beaucoup à l'époque. « L'un des impliqués dans l'affaire des ‘'faux marbriers'' avait une baraque que l'APC a détruite en le faisant bénéficier d'un logement », insiste le directeur. Cependant, ceux qui occupent depuis toujours cet espace qui s'apparente à une grande nécropole sont les Ouchefoun dont l'un des membres fut l'un des premiers fossoyeurs du cimetière en 1880. « Le conservateur actuel occupe les lieux depuis plus de 40 ans. Il a entamé des procédures pour bénéficier d'un logement social participatif auprès de l'APC de La Casbah », relève M. Djakhnoun. Seule satisfaction, La Bridja, monument funéraire qui a été restauré avec l'aide de l'APCA. Cosider s'y est mis pour sa part « pour réhabiliter cet espace qui servait de lieu de repos aux gens venus des différents marchés de la capitale », soutient le directeur. C'est là où sont célébrés le 3e et le 40e jours d'un décès. Avant, on y faisait la prière de l'absent, ensuite, il fut « livré » aux délinquants qui en ont fait leur point d'attache avant qu'il soit récupéré. Pour le directeur, 12 agents de sécurité se relaient pour surveiller le cimetière et font tout pour que les anciennes pratiques ne soient plus de mise.