Rien n'est encore gagné pour Nicolas Sarkozy. « Son » projet d'union méditerranéenne qui, d'emblée, commence à trouver preneur de ce côté-ci de la Méditerranée n'est toutefois pas la panacée répondant clairement aux exigences des deux rives de cette mer d'histoire. Le président français, qui a pris à son compte un projet, qui pourtant concerne un ensemble de ses congénères européens, et s'en allant louer ses mérites, notamment dans les pays maghrébins, n'a pas été sans jeter les partenaires européens dans la course au rapprochement avec les pays de la rive sud de la Méditerranée. Le ballet diplomatique qui bat son plein à Alger est loin d'être un signal de nonchalance européenne face aux mouvements accélérés de la France aux fins de redéployer sa présence dans les pays du Maghreb. C'est même la manifestation d'une désapprobation européenne de la démarche solitaire française. L'Algérie, de par son statut de pays producteur d'énergie et sa situation géographique aux portes de l'Afrique, constitue à elle seule l'objet de convoitises pour les partenaires européens. Même si le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a exprimé l'appui algérien au projet d'union méditerranéenne, cela ne constitue pas en soi une victoire pour Sarkozy, car aucune feuille de route n'a été mise sur une table de négociations entre les pays concernés par une telle entreprise. Les appels incessants d'Alger pour les partenaires européens ou américains à venir diversifier leurs investissements en Algérie résument en fait la priorité algérienne : ne pas être la chasse gardée d'un pays, mais préserver une multi-latéralité d'approches avec les puissances de ce monde. La présence du président Bouteflika aujourd'hui en Sardaigne pour « une réunion algéro-italienne de haut niveau » est l'expression même de cette approche qui vise à attirer le maximum d'investissements et continuer à faire des affaires avec tous sans avoir de position exclusiviste. Même si la France occupe une place de choix comme premier fournisseur du marché algérien, c'est bien avec l'Italie et l'Espagne que l'Algérie projette d'établir des gazoducs. Le rapprochement géographique tient bien tête au rapprochement historique, l'intérêt de l'heure étant d'apporter une plus-value à la vie économique des différents partenaires. La présente visite de quatre jours, effectuée par le président allemand à Alger, à peine quelques semaines avant la visite de Nicolas Sarkozy prévue en décembre, est un autre signal de Berlin pour densifier ses rapports avec un pays qui n'est pas son principal fournisseur de gaz, mais qui peut constituer un marché alternatif. La démarche de Nicolas Srakozy qui s'apparente à un lobbying pour une union « France-Méditerranée du Sud » fait donc réagir l'autre locomotive européenne, l'Allemagne en l'occurrence, qui semble ne plus supporter la stridente voix française sur l'échiquier euroméditerranéen, à l'heure où d'autres pays de l'UE restent incommodés, mais ne s'empêchent pas tout de même de passer sur les traces de Sarkozy pour préserver leurs intérêts. Du côté des pays de la rive sud de la Méditerranée, incompréhension et doute accueillent le projet français. Incompréhension d'abord sur l'utilité d'un tel projet et par quel miracle arrivera-t-il à régler les lacunes du processus de Barcelone qui est aussi un cadre de partenariat bien défini entre l'UE et la rive sud de la Méditerranée. Le doute par contre entoure la démarche solitaire de Sarkozy. Le cavalier solitaire Nicolas Sarkozy n'arrive pas à ôter de l'esprit des observateurs que le projet d'union méditerranéenne a pour but, outre de favoriser les intérêts économiques français dans la région du Sud, de trouver un autre cadre de coopération avec la Turquie en dehors de l'UE. Il vient d'ailleurs de réaffirmer son opposition à une adhésion turque à l'UE. De plus, aucune réponse n'est venue définir la place que devront occuper la Palestine et Israël dans cet ensemble qui semble se borner à des visées purement « franchouillardes ».