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Tribulations littéraires
Carnet de bord- Promenade au SILA
Publié dans El Watan le 15 - 11 - 2007

« Le Salon du livre a fermé ses portes. J'y ai passé une semaine, de stand en stand, sans défaillir, l'œil aux aguets et le portefeuille malmené ».
Ma première impression ? La foule. Enormément de monde : vieux, jeunes, handicapés, femmes, hommes, hijabs, blue-jeans, costumes, qamis et, partout, la sécurité. On est rassurés ! Dès l'ouverture, on se bouscule, on s'interpelle, on s'oriente, on prend ses marques. Une rumeur circule. On a fermé un stand, celui des éditions Inas. Un livre est refusé à l'exposition, Les geôles d'Alger de Benchicou. Tant pis, je l'achèterai à la librairie des Beaux-Arts. Je lirai plus tard, dans la presse, un appel des intellectuels au boycott du salon. Les intellectuels ? En existe-t-il en Algérie ? Bien sûr, la fermeture du stand Inas et la non exposition du livre sont condamnables, mais faut-il arrêter la caravane ? Avançons ! Je poursuis la promenade. Les premiers jours, c'est le déambulatoire. On s'y perd, désorienté. Par la suite, on finit par trouver des repères. Un désordre règne en raison de l'immensité des espaces et aussi, par l'absence d'une signalétique rationnelle. Ce n'est pas simple à gérer. Les responsables du salon, le syndicat des libraires, les maisons d'édition ont fait de leur mieux, puisque ça marche. A cela, il faut ajouter la sécurité qu'il faut assurer, le management des relations, l'information et… la turbulence de nous autres. Un bureau d'information cossu devrait être placé à l'extérieur de chaque bâtiment et non à l'intérieur. Je fonce vers le stand OPU. C'est ma première visite, par nationalisme et regret des années 70. Eh, oui ! C'est mon avis. On n'avait pas la liberté politique, mais on avait de l'honneur. Grand espace, foule compacte, intéressée par les livres scientifiques et les essais. Les livres sont les moins chers de tout le salon (rapport qualité/prix). Le directeur général de l'OPU s'entretient avec des étudiants qui lui demandent d'éditer certains livres techniques. Il le leur promet avec un sourire convaincant. Dans un coin, Kaddour M'hamsadji, assisté de son traducteur Mokhtar M'hamsadji, signe ses livres. Les gens se bousculent, hésitent devant les titres et saisissent La jeunesse de l'émir Abdelkader ou bien El Casbah Z'man. Je prends une photo et m'éclipse en plaignant l'auteur qui finira certainement avec une crampe au poignet. Je visite le stand ENAG, toujours par nationalisme, puis poursuis ma flânerie. Je me retrouve devant un stand syrien : « Union des écrivains arabes ». Un éditeur me dit que le Salon du livre algérien est l'un des plus importants du monde arabe et africain. Il connaît son affaire. Je le remercie et caresse mon nombril. Je lui achète un livre de Nezzar El Qabbani, le père de la poésie arabe moderne libre. Dans le hall du bâtiment C, j'aperçois un ministre des années 1980. « Bonjour, Monsieur le Ministre. Que pensez-vous du salon ? » - « Je viens d'arriver » - « Oui, mais qu'en pensez-vous ? » Il tangue, bafouille. Je le laisse à ses doutes. Une vieille dame passe avec un gosse :« Khalti ! ouach, le salon ça va ? » - « Ya oulidi, kayane koulkhir ». J'interroge des dizaines de personnes. Les résultats en vrac de ce sondage vite fait sont clairs. Du désordre ! C'est la foire ! Les livres chers ! Les WC sales ! Le parking complet dès 13 h ! Il faut que cela dure un mois ! Et l'intérieur du pays ? Conclusion : dans l'ensemble, c'est bien et…Vive l'Algérie ! J'aperçois un tableau magnifique : un homme en gandoura bien de chez nous, couleur safran, le chèche orangé, des chaussures d'avant, plates et noires, faites chez le cordonnier du village. Habillé comme Ben Badis, il lisait. « Salam, cheikh ! Tu permets que je te photographie ? » - « Bien sûr, fais comme tu veux ». J'ai discuté dix minutes avec lui. C'est l'imam de la mosquée d'Ahmer El Aïn qui visite le salon. L'imam m'invite à son village, je promets de lui rendre visite un vendredi.
Rencontres et émotions
Je prends à gauche et tombe sur le stand de la Bibliothèque nationale. Chaque jour, une conférence. Aujourd'hui, c'est une écrivaine allemande, assistée de Magani pour la traduction. L'increvable Amine Zaoui écoute la conférencière en mesurant l'audimètre du public. Il tient à la réputation de la BN. Je stationne un instant et fonce vers le stand Alpha. Un grand espace, de nombreux livres sur les présentoirs. Du luxe. Kamal Abdellaoui signe son livre Comme un brin de paille. Mais le livre est une meule : 446 pages. Il faut le lire, c'est ethnologique. Chez Alpha, je me paye un beau livre, Abzim de Wassila Tamzali. Un livre d'art sur les bijoux algériens. Malika, la responsable des ventes, m'emballe, emballe le livre et me soulage de 2.300 DA. Je quitte le stand, me faufile entre hijab, qamis, costumes et survêtements et me voilà perdu. J'aperçois Mme Rabia Djalti. « Vous êtes une grande lectrice, Madame, que me conseillez-vous ? ». Avec un sourire aussi beau qu'un poème, elle me lance : « Lisez Tahdhourina 'ala el haouamèche de Wafa Benmessaoud, une jeune écrivaine de Constantine, édité par le ministère de la Culture ». J'achète le livre (200 DA) et le met dans ma besace. Je ne suis pas loin des éditions El Othmania. Un livre m'intéresse, celui de Barkahoum Ferhati De la tolérance en Algérie. Je me l'approprie pour 400 DA et m'arrête un instant pour faire les comptes. Dépense totale : 4. 400 DA. Je poursuis ma quête chez Actes Sud, drivé par Abdennour Belanteur, l'un des plus anciens libraires d'Algérie, rue Charras à Alger. Belanteur est content, les affaires marchent. C'est un Kabyle des Beni Oughlis, plus malin qu'un mozabite qui, lui, est plus malin qu'un juif de Constantinople, lui aussi plus malin qu'un esquimau qui cherche à surprendre une loutre. Belanteur arrive à me faire acheter un livre que j'ai déjà acquis dans sa librairie : Ma mère, l'Algérie, de Jean Pellegri, décédé en 2004. Un livre poignant. Quand on sort de là, on ne peut rater les éditions Barzakh. J'aime cette maison qui a toujours eu une saine ambition : la littérature et l'honnêteté intellectuelle. J'en témoigne. Selma, attentive, reçoit toujours gentiment, Sofiane me salut, les lecteurs feuillètent des livres. Savent-ils ce que veut dire « El Barzakh » J'ai de vagues réminiscences d'un article écrit par Sofiane pour expliquer le mot. C'est, si je me souviens bien, ce qu'on a de profond dans la pensée, le schème, la représentation intermédiaire entre le concept et la perception. A vérifier. J'achète Le Palestinien de Habib Ayyoub et poursuis ma ballade jusque chez Dalimen où je m'offre Le Dernier des Pharaons de Josiane Lahlou (500 DA). Nazim Mekbel est en discussion avec Abderrahmane Khelifa, l'archéologue, qui vient de sortir un livre sur Alger. Félicitations. Mon portefeuille pleure, je nie ses larmes et pousse jusqu'au stand Casbah. Un auteur jovial et volubile attire mon attention. C'est Mohammed Chérif Ould Hocine, un maquisard de la première heure. Il signe son livre Au Cœur du Combat. Je le feuillète et une profonde émotion m'habite. Je retrouve toute l'histoire du commando Si Zoubir. De son vrai nom Tayeb Souleiman Mohammed, Si Zoubir a combattu seul quinze hélicoptères et des troupes au sol pour faciliter la fuite de 400 étudiants et lycéens qui avaient rejoint le maquis. 27 étudiants ont été tués ce 22 février 1957, en même temps que lui. Voilà à quoi sert le Salon du livre. Et, dans les pages qui défilent, cette douceur de visage des chahidate Farida Sahnoun et Naciba Malki. Merci de m'avoir fait revivre ces moments qui ont permis que nous soyons tous dans ce Salon du livre et non pas à regarder, derrière des claies de roseaux, les fêtes des colons. Il est 13 heures, il faut que je mange. Les livres c'est bien, mais ils ne calment pas l'estomac. En me dirigeant vers la buvette, je télescope un journaliste qui semble perdu. Il me raconte ses misères, je lui raconte les miennes. Il me demande si je peux le raccompagner le soir. C'est OK, ma Zastava est à sa disposition.
L'écriture, pas les dorures
A la buvette, je commande un casse-croûte merguez. « J'espère que ce n'est pas avec de l'âne d'El Harrach ? ». Le garçon sourit, un sourire de chez nous avec des pleins et des déliés. Pour la boutade, le casse-croûte est gratos. Qui a dit que les jeunes sont ingrats ? Je le remercie et rejoins l'agora en mâchant intelligemment. Du monde partout ! Assis sur les bancs, sur les marches d'escaliers, dans les plates-bandes. On crie, on chante. Des cars ont ramené des visiteurs de Bouira, Boumerdès, Tipaza. C'est la fête. Je m'installe près de barbus, calotte et qamis éclatants. La discussion s'engage, amicale. « Ouach, le saloon, ça va ? » - « Ya akhi, el koutoub ghalyine ». On parle de quissate, de felsafa, de hadith. Ils déplorent que le livre sacré soit cher. Je leur dis : « Mes frères, il faut choisir. Ou vous voulez l'écriture, ou vous voulez la dorure ! ». Je leur explique pourquoi, en raison de sa fabrication, ce genre de livre est cher. « Au fond, mes frères, le Coran n'a pas de prix, avec ou sans dorure. L'important c'est le texte ! ». Ils sont d'accord. Je les oriente vers le Coran de Cheikh Hamza Boubakeur des éditions ENAG. Je les salue et m'enfonce dans la « guitoune » du café littéraire. Il est 15 heures. Mme Gisèle Halimi commence la présentation de son livre, La Kahina. La tente est comble. La réputée avocate a défendu un grand nombre de moudjahidine et moudjahidate durant la guerre de libération. Les Algériens la connaissent et lui portent une grande estime. Maghrébine, elle est chez elle en Algérie. Son exposé terminé, parole au public. La modératrice gère adroitement les interventions. Les questions fusent, la passion s'installe. Beaucoup de femmes dans la salle. Des universitaires, des femmes au foyer, âge moyen, la quarantaine. ça chauffe. On confirme les vérités historiques, on récuse quelques passages, on complète des oublis, on conteste l'inceste, on adule l'auteur. Sid Ali Sakhri, l'infatigable animateur, est aux anges. De l'ambiance, de bonnes répliques, il aime ça. Encore quelques questions et c'est la fin. Longue chaîne pour la dédicace. Gisèle Halimi est radieuse. Elle a connu les Algériens dans le combat, elle les rencontre une nouvelle fois dans la liberté. Son émotion retenue et sa joie n'ont échappé à personne. Une grande dame. Il faut que j'aille visiter le bâtiment D. Dans l'immense hall, prédomine le livre pour enfant et, chez certains éditeurs, des livres techniques. Je m'engouffre dans le stand des éditions Science et Savoir. Des livres bien faits. L'éditeur, Mme Metni, est psychologue. Elle me parle des gros problèmes des éditeurs : la promotion des ouvrages et la distribution. Affaire de la société, des familles et de l'éducation nationale. Je la félicite pour ce qu'elle fait et la réconforte. J'entre aux éditions El Amel. Une étrangère est en train de dédicacer son livre. Qui est-elle ? J'attends mon tour et découvre un titre que je ne connaissais pas, La Kabylie de Lucienne-Ali Delille. L'auteur est là, assise, à regarder défiler les Algériens dont aucun n'aurait imaginé qu'il passait devant une Kabyle d'origine française qui, à 17 ans, dans les années 1960, manifestait pour l'indépendance. Son livre a été primé à l'Institut académique de Paris. On parle d'Azazga, d'Adekar et d'Icherriden. Elle est incollable. Je paye le livre (200 DA) et la quitte en nous promettant de nous revoir pour parler, toujours et encore, de l'Algérie. Je décide de quitter le salon sur cette belle rencontre. Le soir tombe, le journaliste que je dois raccompagner m'attend. Je refais mes comptes. Dépenses : 5. 800 DA. Je n'ai pas fait les commissions pour « la maison », j'ai tout dépensé en livres. Tant pis, on mangera de la hrira ! Mais je vais me faire gronder. Salaud de salon qui m'a pris tout mon argent !


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