Nous avons osé une visite dans ces territoires « bannis » de l'arrière-algérois, où les habitants crient leur détresse au moment où les militants de partis battent campagne pour ravir leur voix lors des élections locales. Haouch Erroussi, Haouch Fliou, Haouch El Gazouz, Haouch Essaboune, Haouch El Hadj ou encore Haouch Ratel sont autant de faubourgs laissés-pour-compte et ce, depuis des décades. A croire que les conditions de vie des favelas sont plus supportables que celles de ces lieux-dits mouisards qui peuplent une partie du nord de la Mitidja. « La communauté au sein de ces lieux a certes, grossi, notamment avec l'arrivée des familles qui ont fui le terrorisme pendant la décennie noire, mais le gros de la plèbe y a élu domicile depuis des lustres », explique le président du comité de quartier, Nacer Belkacem qui nous invite, à bord de sa guimbarde, à faire le tour du propriétaire de Haouch Fliou, dont la dénomination est écorchée. Dominé autrefois par les vergers et la plantation des vignes du maître de céans — un ex-colon — le territoire de 2 ha est occupé par une cinquantaine de familles qui crient leur peine. Réseau d'AEP déficient, réseau d'assainissement précaire, non-raccordement au gaz de ville, routes non carrossables, absence de transport public pour les écoliers de l'établissement Ennakhil dont la cantine a été détournée par des « bien-pensants », selon les parents d'élèves. Bien que nous manifestions discrètement notre présence dans le lotissement, un attroupement se forme au fil de la discussion avec les délégués du haouch. Les griefs fusent de partout et la colère s'empare des habitants qui, à cor et à cri, nous prient de relever dans nos colonnes le dénuement catastrophique qu'ils endurent, l'incurie, voire la dépravation dont font preuve les élus pendant leur exercice. A Haouch El hadj, le décor dans lequel on plonge n'est pas mieux loti. 75 familles y élisent domicile, mais vivent « hors du temps », d'après Toum Aïcha, une dame abattue qui pleure son sort et celui de ses enfants asthmatiques. Impuissante, elle nous montre le mur de son gîte dont le mur gonflé et ventru menace ruine à tout moment. Nous poussons notre curiosité dans ce dédale, au milieu des constructions de fortune où la gadoue côtoie les eaux putrides que libèrent des excavations alentour. A un jet de pierre, Haouch Erratil, une autre portion du territoire qui vit dans la « dèche ». Les vestiges de la « prospérité coloniale » sont patentes : le fronton du bâtiment et la cave de vins, érigés en 1857, portent le nom de Ratel, autrefois propriétaire du domaine de vignoble qui s'étend sur 3 ha. Là, vivent 115 familles dans des taudis où l'âne, bête de somme, partage pratiquement le même « toit » que la maisonnée. Les RHP, enjeu électoral ? Le désarroi est perceptible sur le visage des pères qui attendent de bénéficier d'un logement qu'on a de cesse de leur promettre dans le cadre des RHP (Résorption de l'habitat précaire), une formule initiée par les pouvoirs publics, il y a plus d'une quinzaine d'années, note, non sans une pointe d'amertume, M. Ferhi. Des occupants « vident leur sac » et se disent scandalisés par les élus corrompus et leurs sous-fifres qu'ils soudoient pour s'attacher leur soutien pendant la campagne électorale. Ce qui n'est pas du goût d'un autre groupe qui nous apostrophe pour démentir la version des délégués du comité de quartier, au point de nous rudoyer. Notre tort est de prêter l'oreille à des gens qui prennent leur mal en patience. A dire vrai, l'enjeu électoral est de taille. « Celui-là même qui se résume à certains privilèges, notamment les lopins de terre vers lesquels lorgnent les irréductibles cupides (…) qui n' ont cure des dispositions relatives au foncier agricole », lance à notre endroit Tika Slimane. Nous quittons cet univers de misère et de… damnés de la terre non sans croiser le regard innocent et tristounet des bambins.