Sidi Zoura est un petit hameau encastré au milieu des montagnes, au sud de Beni Mileuk, chef-lieu de commune, à l'extrémité sud-ouest de la wilaya de Tipaza. Cette agglomération rurale compte 1900 habitants. Les conditions de vie dans des habitations précaires sont très pénibles. Un semblant d'école primaire est composé de quatre classes où sont entassés 244 élèves. Des tables, dans un état lamentable, accueillent chacune quatre élèves. « Pouvez-vous accepter que vos enfants étudient dans ces conditions, Monsieur le directeur », demande le wali au responsable du secteur de l'éducation. « N'y a-t-il pas assez de tables dans la wilaya de Tipaza pour permettre aux élèves de s'installer à deux à une table », ajoute le chef de l'exécutif. Les rapports officiels ne mentionnent pas ces situations, d'autant plus que les autorités locales n'ont, à aucun moment, contesté ce constat établi sur le terrain. L'eau y est très rare, il faut parcourir des kilomètres pour s'en alimenter. Les travaux d'extension de l'école primaire se heurtent à des entraves bureaucratiques depuis longtemps. Les élèves qui habitent dans les hameaux avoisinants doivent se débrouiller pour casser la croûte. Il n'y a point de cantine scolaire ni même une infirmerie. En période de pluie, c'est l'enfer. Il est difficile pour un nombre important d'écoliers de rejoindre la classe. Un taudis a été transformé en logement pour les enseignants dans cette zone qui a été le théâtre de plusieurs actions terroristes : les maquis de Aïn Defla et Chlef étant situés à quelques encablures. Le siège de la garde communale dans un état pitoyable est perché sur l'une des collines dominantes de Sidi Zoura. Le quotidien des éléments de la garde communale est excessivement déplorable (voir El Watan du 8 février 2004). Les contestataires de ce corps de sécurité ont été mis à la porte. La demande d'enquête formulée par l'un des services de sécurité auprès du chef de l'exécutif de la wilaya avait essuyé un refus, pourtant les mêmes services de sécurité ont relevé des anomalies dans la gestion des deniers publics qui étaient destinées à l'amélioration des conditions de vie et de travail des éléments de la garde communale. Le travail dans la dignité pour ces Algériens qui vivent dans ces régions enclavées n'a pas été à l'ordre du jour des décideurs de la wilaya. Le malheur des habitants de Sidi Zoura ne se limite pas à ces points noirs, il y a également l'absence de transport, l'inexistence d'un centre de santé, l'état défectueux d'un tronçon routier. Sidi Zoura est le fief de la souffrance. Nos différents interlocuteurs, le visage marqué par tant de problèmes et de contraintes, tentent d'expliquer et de décrire leur misérable vie. Après Sidi Zoura dans la daïra de Damous, deux autres cités rurales presque similaires - l'une dans la daïra de Gouraya, Bouhriz, et l'autre à Cherchell, Sidi Moussa Azouaou - ont constitué des points de visite pour un périple fatigant. Chaque habitant souffre. On se remet au Bon Dieu pour contourner toutes ces difficultés. Les personnes handicapées ou gravement malades deviennent une source de soucis, en raison de l'absence des moyens matériels et financiers. Les personnes âgées envahies par l'angoisse vivent péniblement. Les furtifs contacts avec les habitants traumatisent l'esprit. Des mesures urgentes ont été prises par l'actuel wali de Tipaza. Chaque secteur a été instruit d'entamer des actions en direction de ces zones rurales enclavées. Questionné sur le suivi de ses décisions, le wali dira : « Nous allons nous y rendre une seconde fois dans moins de trois mois et gare aux défaillances ! C'est un devoir, je ne tolère pas la continuité de cet état des lieux. » Ce qui est encore surprenant, c'est qu'un grand nombre de directeurs de l'exécutif de la wilaya de Tipaza ne se sont jamais rendus dans ces endroits ruraux pour s'enquérir des préoccupations des citoyens. Ces derniers mois, l'administration de la wilaya s'était affairée à réaliser des ronds-points à proximité du chef-lieu de la wilaya et à effectuer des travaux le long de la RN 11 notamment. Des projets évalués à plusieurs milliards de centimes ont été attribués à des opérateurs et le contrôle des travaux se fait par le biais des services techniques qui dépendent de l'administration. Les citoyens subissent les conséquences de la mauvaise gestion des deniers publics et se résignent à la volonté des décideurs. Après la période de constat, de diagnostic et d'évaluation, la wilaya de Tipaza semble décidée à prendre en charge ces agglomérations rurales, pour engager concrètement la politique de sédentarisation en milieu rural et épargner les localités de cet exode anarchique qui est à l'origine de multiples maux sociaux et des problèmes d'environnement.