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Baraki, Bentalha, Sidi Moussa, Eucalyptus
Bureaux trempés, urnes à sec
Publié dans El Watan le 01 - 12 - 2007

Alger a enregistré le taux de participation le plus faible avec 24,11% l Une virée dans la périphérie est de la capitale (Baraki, Bentalha, Sidi Moussa, Eucalyptus…) fait ressortir peu d'engouement pour ces locales, même si le taux est plus élevé qu'aux législatives du 17 mai. Les intempéries conjuguées à une certaine lassitude devant l'impéritie durant les mandats précédents expliquent, en partie, cette désaffection, en plus d'une tradition abstentionniste propre aux Algérois.
Il pleut des cordes ce jeudi matin, comme ces cordes de potence qui pendouillent d'un ciel en furie dans un récent dessin de Dilem. Il est 11h et le scrutin s'annonce « diluvien ». Nous nous engouffrons dans la route Moutonnière sous des trombes impétueuses. La chaussée est inondée. Les voitures avancent difficilement en actionnant les feux de détresse. Visibilité zéro. Avenir flou. L'oued El Harrach est presque en crue sous ces flots ininterrompus. Le décor est planté. Trempé. Question qui fuse : les Algérois vont-ils voter ? Combien seront-ils à défier ce temps de chien enragé pour se poster derrière l'isoloir ? « Zerhouni a bon dos. Il a déjà un bel alibi : le déluge », commente-t-on. A la radio, les premiers bulletins sont empreints d'optimisme, vantant les « cortèges de votants bravant les intempéries pour aller accomplir leur devoir électoral ». Sur El Bahdja, diffusion de chants patriotiques, parfois totalement anachroniques. Des policiers se dressent stoïquement derrière leurs barrages, emmitouflés dans des k-ways inefficaces. Ce n'est vraiment pas un jour pour sortir, pardi ! Première halte : Baraki, à une vingtaine de kilomètres à l'est d'Alger. Ambiance mitigée. Certains commerces ont baissé rideau, les autres gardent les lumières de leurs magasins allumées. Il fait comme nuit tant le ciel est sombre et ombrageux. Incursion dans un centre de vote installé à l'école Ahmed Ben Attou. Une flaque d'eau s'est formée à hauteur du portail d'entrée, tandis qu'à l'intérieur, la cour de l'école est livrée aux flots. Sous le préau, sont entassés, pêle-mêle, encadreurs, scrutateurs, pompiers et policiers. Il y a quelques électeurs quand même. Le chef de centre est optimiste même : « Malgré la pluie, les gens viennent », fait-il avec le sourire. L'établissement, un centre de vote « hommes », compte 1827 inscrits. « A 9h15, le taux de participation était de 3,18% », affirme le chef de centre. A 11h45, le dernier relevé donne un taux de 12,16%, enregistrant une progression significative. Abdelkrim, la cinquantaine, employé de poste de son état, est au nombre des votants. « Il y a des gens bien sur ces listes », dit-il. Pour lui, l'urgence suprême à Baraki c'est l'état des routes. La pluie continue à fouetter les murs. Une estrade a été disposée à l'entrée de l'établissement pour permettre aux gens d'enjamber la flaque d'eau qui ne fait que s'élargir. A l'extérieur, plusieurs citoyens sont amassés dans les cafés de la ville, boudant l'urne pour la plupart. C'est le cas de ce jeune qui nous dit : « Le vote ne changera rien. Tout cela c'est du pipeau ». Un autre lâche : « T'voti wenta fel gharqa » (tu votes et toi dans la boue ?). « Allez voir à Bentalha. Là-bas, c'est pire », nous dit-on encore.
Cloaque électoral
Bentalha. Des piscines d'eau boueuse se sont formées à l'entrée du village. Si la route qui relie Bentalha à Sidi Moussa est plus ou moins praticable, les routes vicinales, elles, sont toutes dans un piètre état. Dans les boyaux du village, il est tout simplement difficile de progresser. Les routes sont massacrées. Il n'existe tout simplement pas de chaussée carrossable, et le déluge qui s'abat sur la Mitidja ne fait que noyer la piste de plus en plus fangeuse. Le niveau d'eau qui ne cesse de monter manque de submerger les magasins et les maisons limitrophes. D'énormes buses sont disposées de part et d'autre, annonçant un chantier de viabilisation improbable, tandis qu'une haie d'affiches et de banderoles électorales, vestiges d'une campagne qui se conjugue déjà au passé, ont miraculeusement survécu au « toufane », continuant de faire chacune la publicité de son chiffre partisan : « Votez 3 », « Votez 6 », »Votez 9 », « Votez 1 ». Qu'ont fait les maires précédents en dix ans de gestion (si l'on compte depuis les municipales de 1997) ? Le peuple, indifférent, se cramponne à ses bottes en se frayant un chemin incertain dans une marée bourbeuse. Ecole Ben Badis, l'un des deux centres de vote de Bentalha. Un centre mixte noyé dans un cloaque vaseux. Un type des RG s'assure que nous ne sommes pas « sahafa adjnabiya » (presse étrangère). Il assiste à l'échange que nous avons avec le chef de centre. Ce dernier nous déclare qu'à midi, sur les 5653 inscrits que compte ses 13 bureaux de vote, 486 ont voté, soit 8,59%. « Les femmes vont certainement venir en force l'après-midi », poursuit-il, « elles sont occupées par les tâches ménagères ». Argument classique. « En tout cas, il y a une participation meilleure qu'aux législatives du 17 mai », ajoute-t-il. La pluie continue de tomber par faisceaux féroces. Image frappante : un homme se pointe avec des bottes pour voter. Comme dans tous les centres de vote, on retrouve le paradoxe de gens mobilisés pour encadrer les urnes sans adhérer aucunement au scrutin comme opération politique. « Je ne vote pas, moi. Les gens qui sont sur les listes sont tous des parachutés », dit l'un de ces encadreurs. Des jeunes engagés par les partis en lice à titre de scrutateurs racontent leur désarroi dans une ville-mouroir comme Bentalha. Karim, 22 ans, étudiant en sciences économiques, dit avoir accepté ce « poste d'un jour » uniquement pour les 1000 DA promis par un parti, le RND pour ne pas le nommer, afin de faire le mur dans un bureau de vote au lieu de le faire à l'extérieur. « Pour moi, 1000 DA c'est une coquette somme. Elle me permet au moins d'acheter un pantalon », confie-t-il. Redouane, 25 ans, étudiant en droit, dira : « J'ai voté sans conviction. C'est juste pour ne pas avoir d'embêtements si on me demande la carte de vote », avant d'ajouter : « Nous manquons de tout. Mais ce qui nous manque par-dessus tout, c'est la confiance entre les élus et les citoyens. » Et d'enchaîner : « Figurez-vous que les étudiants d'ici n'ont aucun moyen de joindre leur fac. Tu démarres de Bentalha à 7h pour arriver au cours à 11h. Nous ratons systématiquement tous les cours et les TD du matin. Dites-leur de nous trouver une solution. Pourquoi Bentalha n'a-t-elle pas droit à un Cous comme tous les quartiers d'Alger ? » A l'extérieur, la détresse se lit sur des habitants désemparés, ne sachant où donner de la tête dans ce marais bourbeux. « Comment voulez-vous voter dans un marécage pareil ? Cela fait des années que ce calvaire dure sans qu'aucun élu n'ait fait quelque chose et maintenant, on vient nous dire de voter ? », fulmine un citoyen sous un parapluie impuissant.
Le vote des émeutiers
Sidi Moussa, 25 km d'Alger, dans les bras de la Mitidja. A l'école Daoud Mouloud, le niveau de participation à la mi-journée est de 15,62% pour 4934 inscrits. « La participation accuse une certaine baisse par rapport aux scrutins précédents. Après tout, les gens sont libres », dit le chef de centre. « Les conditions climatiques y sont sans doute pour quelque chose », commente-t-il. Dans un bureau de vote, le personnel d'encadrement se resserre pour réchauffer un tant soit peu une classe givrée par le froid. Les représentants des partis n'ont rien relevé d'anormal. RAS. L'un d'eux affirme néanmoins : « Echaâb m'rag we ennessba qlila » (Le peuple a compris et le taux est faible). Une vieille lance : « Ce sont tous nos enfants (les candidats). Ils sont tous de Sidi Moussa, on les connaît. Que Dieu ramène la paix à ce pays ! » Au retour, nous nous arrêtons aux Eucalyptus. A l'école Talha Ali, le taux de participation enregistré à midi est de 12,34% pour 3288 inscrits. « C'est déjà mieux que le 17 mai », se réjouit le chef de centre. Pour lui, l'urgence aux Eucalyptus ce sont les infrastructures, la viabilisation. « On dirait un douar », lâche-t-il. L'opération de vote se poursuit cahin-caha. Deux rangées de listes, les unes bleues (APW), les autres blanches (APC) sont alignées en bon ordre. Comment les vieilles et les vieux illettrés et la population analphabète de manière générale se retrouveraient-ils dans ce dispositif sophistiqué ? Les aide-t-on ? « Non, nous n'avons pas le droit d'intervenir », rétorque le chef de centre, neutralité oblige. Sur ces entrefaites, un jeune nous lance : « Partez à Kahwat Chergui, c'est là-bas que ça se passe ! » On parle d'émeutes, de pneus en feu. Après la furie du ciel, celle du peuple. Après avoir « nagé » dans une autoroute submergée, nous basculons sur le littoral est, du côté de Bordj El Kiffan. A un barrage de police à Kahwat Chergui, des policiers nous dissuadent de passer. On avance tout de même. Plusieurs camions des forces anti-émeutes de la Gendarmerie nationale et de la Protection civile sont postés devant une cité, harnachés comme des guerriers. Trois cent mètres plus loin, une volute de fumée noire s'échappe d'une barrière de pneus qui brûlent. Des jeunes en colère se dressent derrière en scandant des slogans anti-houkouma. « Venez voir dans quelle misère nous vivons. Après, on nous dit de voter. Qu'ils soient maudits eux et leur vote ! Moi, je suis prêt à tout brûler ! », éructe un homme fluet, la cinquantaine. Nous suivons les émeutiers à leur bidonville sis au lieudit Bateau Cassé, alias Haï Stamboul 1. Le bidonville est en entier englouti dans une marée de boue et d'égouts (lire le compte rendu de notre collègue Nadir Iddir). Dans une école, un peu plus loin, baignant elle-même dans un immense cloaque, ce n'est pas un centre de vote qui est installé mais des dizaines de familles avec leurs bébés, sans couverture, sans nourriture, sans eau, sans médicament, sans rien. Akram, un nourrisson de quatre mois, emmailloté dans du linge froid, vient de se faire opérer, jure sa mère. Le petit respire déjà mal comme tous les mômes de ce bidonville. La situation de ces Algériens est désastreuse. Innommable. Oui. Elle n'a pas de nom. Pas de nom. Ils lancent une flopée de SOS embrasés et tout ce qu'on trouve à leur dire, c'est : « Mor el vote » (après, après les élections). Ces gens-là, ne leur parlez surtout pas de vote, M. Zerhouni. Surtout pas de votre météo électorale. Puissent les nouveaux maîtres de la ville, intronisés ce soir, avoir une pensée pour le petit Akram qui dort depuis une semaine dans le froid et l'humidité, sans même une banderole électorale pour le couvrir…


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