Aïssa Kadri, directeur de l'institut Maghreb-Europe à Paris, a récemment dirigé un colloque international sur « Les nouvelles migrations » à Alger. Il a également coordonné une enquête européenne sur le thème « Binationalité et intégration européenne » Comment appelle-t-on ce phénomène de retour au pays pour les binationaux ? Est-ce une nouveauté ? Le retour des migrants dans les pays dits d'origine est une vieille question sociologique. Depuis au moins la dernière décennie, nous retrouvons dans les nouvelles circulations migratoires des générations de jeunes adultes nés à l'étranger de parents eux-mêmes immigrés et de jeunes adultes nés ici, partis à partir des années 1990. Combien cela concerne-t-il de personnes ? Il y a de plus en plus de formes nouvelles de participation, d'engagement local, de « la diaspora » algérienne. Il y aurait eu entre 1998 et 2005, 98 microentreprises créées dont 64 pour la période 2001/2005 par des « Algériens de retour ». Les pays de provenance étant pour les quatre-cinquièmes les pays européens, la France totalisant plus de 60% des demandes. Les secteurs les plus demandés sont dans l'ordre ceux des services, de l'agroalimentaire et des NTIC. Quel est le profil-type d'un rétro-migrant ? La généralité est celle de jeunes adultes diplômés dotés de certains capitaux. Ces jeunes, issus des premières générations immigrées, ont des idées et des projets, mobilisent en conséquence des réseaux et saisissent les opportunités locales pour s'en sortir. Ainsi les statistiques de l'ANSEJ relèvent-elles une augmentation sensible de la part de jeunes, issus des immigrations, dans le dépôt de projet. Ce retour au pays est-il véritablement une tendance sociétale ? Pour l'instant, je ne crois pas qu'il s'agisse d'un fait social majeur, même si c'est peut-être l'amorce d'un mouvement extraordinaire. La réalité marquante est quand même le départ. On observe qu'il y a plus des allers et retours que de retours définitifs. Ces migrants ou nationaux issus des migrations restent partagés entre des velléités de rupture et des volontés de consolidation de liens avec leurs sociétés d'origine. Quelles sont les motivations de ces binationaux ? Comment se positionnent-ils au niveau identitaire, eux qui sont entre deux cultures ? Il n'y a pas deux identités essentialisées ou deux cultures homogènes, l'identité n'est pas quelque chose de figé. Ces jeunes se construisent dans la mixité et souvent développent des identifications multiples. Quel intérêt présente ce retour de binationaux pour l'Algérie ? Ces jeunes sont porteurs d'une autre expérience, d'une autre conception de la modernité, qui peut amener des transformations positives pour la société. Par ailleurs, des travaux de recherche ont montré notamment pour le cas de la Chine et de l'Inde que le retour des premières générations expatriées s'est fait dans une relation de gagnant-gagnant ; nombre d'entre ceux qui étaient partis étaient revenus comme porteurs de projets, comme investisseurs. Il y a de réelles opportunités pour que ce mouvement puisse être l'amorce d'un véritable développement.