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Sur un goût d'inachevé…
Fin de la visite controversée de Sarkozy en Algérie
Publié dans El Watan le 06 - 12 - 2007

L'argumentation développée par le président français Nicolas Sarkozy, dans son discours prononcé à Constantine hier, est pour le moins étrange, controversée, sinon ambiguë.
De fait, d'une part, il a fustigé le système colonial à tout bout de champ et, de l'autre, il dit que « beaucoup de ceux qui étaient venus s'installer en Algérie étaient de bonne volonté et de bonne foi, (qu') ils étaient venus pour travailler et pour construire, sans l'intention d'asservir ni d'exploiter personne, mais (que) le système colonial était injuste par nature et (qu') il ne pouvait être vécu autrement que comme une entreprise d'asservissement et d'exploitation ». Si l'on suit son « raisonnement », ce système colonial n'aurait rien à voir avec la France, et que ce serait une chose abstraite, sinon des extraterrestres qui l'auraient instauré ! En faisant des éloges sur le passé de Constantine, de son cosmopolitisme à travers l'histoire, il en vient à évoquer la résistance de Constantine en 1837, et à relever « cette journée terrible du 20 août 1955 où chacun fit couler le sang pour la cause qui lui semblait la plus juste et la plus légitime ». Nuance, un seul côté a fait couler le sang des Algériens au stade de Skikda (Phillipeville), ce fut le massacre à ciel ouvert ! Il n'oublie pas les martyrs de la Révolution algérienne ni « les victimes innocentes d'une répression aveugle et brutale », et il n'oublie pas non plus « ceux qui ont été tués dans les attentats et qui n'avaient jamais fait de mal à personne, ni ceux qui ont dû tout abandonner : le fruit d'une vie de travail, la terre qu'ils aimaient, la tombe de leurs parents, les lieux familiers de leur enfance ». Cependant, comme on le voit, est-ce la nostalgie de l'Algérie française qui fait oublier l'histoire et la « nature (même) du système colonial », si on le prend à ses propres mots ? En effet, il aurait carrément pu dire ceci : « Des Français seraient venus en touristes en Algérie ou en investisseurs, ils auraient acheté des terres à des Arabes bien gentils, terres qu'ils auraient travaillées avec leurs propres mains !... Il n'y aurait jamais eu de dépossession, de spoliation de terres, il n'y aurait pas eu d'ouvriers agricoles… et de massacres, d'enfumades, de douleurs et de misère, lot quotidien des "indigènes". » Un discours qu'il voudrait apaisant pour les uns et les autres, mais dénué de sens, voire truffé de contre-vérités. Donc, point d'excuses pour les crimes et les massacres commis au nom de la France, pas seulement lors de la guerre de libération, mais ceux perpétrés dans les années 1930 et surtout ceux du 8 mai 1945, là où c'étaient les civils constitués en miliciens pour commettre l'innommable… C'est juste ainsi qu'il fustigera le système colonial, puis comme pour répondre au ministre des Moudjahidine, il le fera aussi pour l'antisémitisme, qui « n'est pas qu'un crime contre les juifs, c'est un crime contre tous les hommes et un crime contre toutes les religions » ! Puis viendront des propositions. Par exemple, « en 2008, j'organiserai en France les assises de l'enseignement de la langue et de la culture arabes », dira-t-il. Il fera le parallèle entre l'amitié franco-allemande et celle espérée avec l'Algérie, mais dans le cadre de l'union de la Méditerranée. Il dira à ce propos ceci : « Comme la France offrit jadis à l'Allemagne de construire l'union de l'Europe sur l'amitié franco-allemande, elle offre aujourd'hui à l'Algérie de bâtir l'union de la Méditerranée sur l'amitié franco-algérienne. » Mais il a oublié (encore une fois !) qu'Adenauer avait reconnu les crimes du nazisme et, officiellement et solennellement, présenté ses excuses au nom de la nation allemande. Une autre proposition, « l'Algérie et la France se sont mises d'accord pour réfléchir à la mise en œuvre d'une politique d'immigration ». Encore une autre de Sarkozy, celle de « réfléchir à la création d'une université commune franco-algérienne ». En tout état de cause, le bilan que l'on pourrait tirer du discours et de la visite du président français en Algérie indique clairement, encore une fois, que les deux pays ont raté une occasion sérieuse de dépasser les clivages historiques qui pèsent sur leurs relations et que l'Algérie demeure frustrée du fait que Sarkozy n'a présenté aucune excuse sur les crimes commis par le colonialisme. Au lieu de cela, Nicolas Sarkozy a, dès son retour en France, hier, rendu hommage aux harkis. « Il est légitime et juste que les harkis reçoivent l'hommage solennel de la nation », a déclaré le président français lors d'un discours prononcé devant la présidence des associations d'anciens combattants d'Afrique du nord et de rapatriés harkis. « Car pour les harkis aussi, si les accords d'Evian ont scellé la fin des hostilités militaires, ils n'ont pas marqué la fin des souffrances », a-t-il ajouté à l'occasion de la journée d'hommage annuel aux combattants morts pour la France pendant la guerre d'Algérie. « D'autres épreuves, douloureuses, sont venues s'ajouter aux peines endurées au cours de huit années de guerre », a-t-il dit. « Pour la France, il s'agit aujourd'hui d'une question d'honneur. Il faut réparer les fautes qui ont été commises », a poursuivi M. Sarkozy. A bon entendeur…
A. Boumaza , Ahmed Boudraâ


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