Ebranlé par les réserves allemandes, le projet d'union de la Méditerranée bat de l'aile. Mais Paris ne renonce pas à son projet. Tel que conçu à l'origine par Nicolas Sarkozy, il vient de subir un sérieux remaniement. Paris. De notre bureau Paris propose qu'outre les pays riverains, seront associés à part entière les pays de l'Union européenne « fortement volontaires » à y contribuer. Ainsi le périmètre géographique de l'union de la Méditerranée englobera les 22 pays riverains de la Méditerranée, plus trois pays dont l'histoire en fait des voisins très proches : le Portugal, la Jordanie et la Mauritanie, ce dernier pays étant membre des 5 + 5 et de l'UMA. En seront également membres les pays européens qui en manifestent le souhait et qui s'engagent à y apporter une contribution, soit les pays « fortement volontaires », indique-t-on de source française proche du dossier. « Un grand nombre de pays européens non riverains de la Méditerranée sont intéressés. » « Ce projet concentre l'implication des pays riverains mais n'exclut pas les autres pays intéressés », ajoute-t-on, et l'Allemagne serait de ceux-là. « L'Allemagne veut entrer dans cette dynamique. » Jeudi soir, la chancelière allemande, Angela Merkel, exprimant son scepticisme, avait pourtant signifié : « Si à côté de l'Union européenne, les Etats riverains de la Méditerranée devaient constituer une deuxième union totalement différente, j'ai dit que cela risquait de constituer une épreuve difficile pour l'Europe ». Et de dire encore : « Nous devons faire progresser ces deux approches de pair », a conclu la chancelière allemande. Quant à la Turquie, on affirme aussi que si sa première réaction a été négative, elle a depuis lancé « des signaux » d'intérêt. Paris se défend d'avoir lancé le projet de l'union de la Méditerranée pour écarter la Turquie de l'UE, et en veut pour preuve que les négociations sur les 35 chapitres sur l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne ont commencé. Qu'en est-il d'Israël ? Sera-t-il membre de l'UMN ? Paris n'en dit pas un mot. Si ce n'est que l'union de la Méditerranée n'a pas pour vocation de régler les conflits régionaux, que ce soit le conflit israélo-arabe ou le problème du Sahara occidental. Pour cela d'autres enceintes existent, indique-t-on encore. Dans une interview au Figaro, Seif Khadafi, le fils du dirigeant libyen, affirmait hier que son pays n'entrerait pas dans l'UM si Israël devait y figurer. On soutient que de la part des partenaires l'intérêt est « plus que poli ». Et de rappeler que le projet d'union de la Méditerranée n'écarte ni l'Union européenne ni le processus de Barcelone. Ce projet a « réveillé » le processus de Barcelone et lui a donné une « nouvelle visibilité », indique-t-on encore, et de citer le ministre espagnol des Affaires étrangères qui l'aurait même qualifié de « Barcelone Plus ». La Méditerranée est une priorité de l'Europe au même titre que l'est du continent, martèle-t-on à Paris. « Avec ce projet, les dispositifs existants seront maintenus, et le processus de Barcelone, qui reste central, en sera renforcé. » Et « allons plus loin avec ceux qui sont les plus intéressés ». L'union de la Méditerranée, rappelle-t-on, est un processus basé sur des projets. Des projets à géométrie variable, c'est-à-dire qu'ils seront portés par ceux qui veulent s'y associer, l'obligation ne sera pas faite à ceux qui ne le souhaitent pas. « On commencera par des projets qui créent une dynamique de développement et de rapprochement. » Sur la base d'une « élaboration concertée ». Chaque pays devra désigner son sherpa. Ainsi que la Ligue arabe, la Commission européenne, l'UMA, l'Union africaine auront également chacune son sherpa. Les projets seront ouverts à tous les pays membres de l'UE qui voudront apporter une contribution. Jusqu'en juin (date du sommet qui devra consacrer le lancement de l'union de la Méditerranée), des projets devront être montés avec des plans de financement. Les projets pourront couvrir des domaines comme le développement durable, la lutte contre la pollution en Méditerranée, le développement de l'énergie solaire, les interconnexions gazières et électriques (qui existent déjà), le développement de la formation professionnelle, la coopération universitaire, la Protection civile… Mais ce ne sera pas un plan Marshall pour le développement de la rive sud. Un sommet se tiendra vraisemblablement à Marseille, courant juin 2008. Il réunira les pays riverains, plus les trois pays voisins. Ce sommet est comparé à une réunion informelle genre G8, un GMed. Une déclaration sera signée à son issue. On rappelle que le projet d'union de la Méditerranée est né de quelques chiffres : les investissements des Etats-Unis dans leur Sud sont de 20%, le Japon investit 25% dans les pays qui l'avoisinent, les investissements européens quant à eux ne sont que de 2% dans les pays du sud de la Méditerranée. Par ailleurs, 40 millions d'emplois sont à créer dans les 10 prochaines années en Europe si celle-ci veut maintenir son niveau de chômage actuel. Enfin, il n'y a pas de région au monde où l'écart de développement est aussi profond entre ses deux pôles qu'entre la rive nord et sud de la Méditerranée.