Souk Reguibat est une mechta, située à 18 km, de la route de Cap Rosa à l'ouest du Lac Mellah (El Kala). Chaque été, elle est traversée par des centaines d'estivants qui se rendent à Cap Rosa, site balnéaire immortalisé par le roman de Maâmar Farah, Les sirènes de Cap Rosa, et célèbre par son phare du bout du monde et sa plage fabuleuse. En hiver, Souk Reguibat est désertée, à tel point que même les transporteurs publics refusent de s'y rendre. Pourtant, la route est magnifique et la chaussée refaite avec un asphalte épais, sans ornière, est impeccable : du velours pour les pneus et les voitures. Une demi-douzaine de transporteurs a été autorisés à exploiter la ligne El Kala-Souk Reguibat. Ils font un premier arrêt à Kantra El Hamra, à 9 km d'El Kala, puis un autre à Melha, 3 km plus loin, avant d'entamer la dernière étape de 6 km. Mais les transporteurs, quand ils n'ont pas beaucoup de voyageurs, prennent des libertés inacceptables : ils abandonnent leurs clients au bord de la route à El Melha, et à toute heure, avec culot et sous prétexte « qu'il n'y a pas assez de passagers pour rentabiliser le déplacement ». Et cela fait des années que cela dure, à tel point que c'est devenu une règle qu'on impose, et gare à celui qui élève la voix pour rouspéter ; il ne pourra plus prendre aucun fourgon, car il sera taxé de « voyageur à problème et fouteur de pagaille ». Le directeur des transports, interrogé sur cette question, répondra qu « Souk Reguibat n'est pas un cas isolé. Il est de notoriété publique que les transporteurs fassent la loi lorsqu'ils ne sont pas dénoncés. C'est la seule manière possible pour prendre des sanctions. Il y a des tas de transporteurs qui sont en attente d'une autorisation, et rien ne ferait plus de bien que d'éliminer les plus mauvais. Mais cela demande un minimum de courage de la part des voyageurs. Ils doivent nous saisir par écrit avec les indications inscrites sur la portière du véhicule. Sans cela, on ne peut rien faire, et dans notre wilaya, c'est encore plus compliqué, car à cause des liens familiaux, les victimes des dépassements renoncent à se plaindre ». En fait, c'est tout le drame de ce pays. Pour de multiples raisons, généralement la crainte de représailles ou de problèmes divers, les victimes de dépassements préfèrent se taire et prendre sur eux que de dénoncer.