Il aura fallu 8 attentats suicide, dont cinq commis par des kamikazes issus des quartiers ghetto de Oued Ouchayeh et Bourouba, à Alger, pour que les pouvoirs publics se rendent compte de l'importance du renseignement dans la lutte antiterroriste. Ainsi, depuis les derniers attentats kamikazes qui ont visé les sièges du Conseil constitutionnel et de la représentation onusienne, respectivement à Ben Aknoun et à Hydra, les autorités sécuritaires ont revu totalement le dispositif de lutte contre le terrorisme pour l'adapter à la nouvelle stratégie du groupe salafiste, depuis son ralliement à la nébuleuse intégriste d'Al Qaïda, il y a une année. Plusieurs réunions des plus hauts responsables des services de sécurité ont abouti à la nécessité de redéployer les services de renseignement dans les quartiers dits chauds, notamment les bidonvilles où les jeunes sont plus vulnérables à l'endoctrinement des prêcheurs de la mort. Selon nos sources, il a été décidé d'installer dans ces quartiers « des bureaux de police de proximité, dans lesquels seront affectés surtout des agents de renseignement issus des trois services de sécurité (police, gendarmerie et armée), mais également des représentants de l'administration locale. Leur mission est de créer des ponts avec la population et de l'aider à surmonter les conditions inhumaines dans lesquelles elle vit, à travers l'amélioration du cadre de vie par l'introduction de l'électricité, du gaz, de l'eau et des réseaux d'assainissement. Une solution provisoire en attendant de régler définitivement le problème des bidonvilles. La mise en place de ces nouvelles structures est en phase de finalisation et devrait être prête dans les semaines qui suivent ». Certains voient cette initiative comme une manière de « militariser » la gestion des problèmes de la cité, alors que d'autres estiment qu'elle reste une mesure urgente à prendre pour éviter que d'autres kamikazes sortent de ces quartiers. Cependant, pour les partisans des deux thèses, la prolifération des bidonvilles aux alentours des grandes villes « ne reflète que l'échec de la politique socio-économique dans laquelle nous ont engagés les dirigeants du pays ». Il faut reconnaître, révèlent nos interlocuteurs, que « le renseignement, seule parade contre les attentats suicide, ne peut être collecté que si la population s'implique dans la lutte contre le terrorisme. Pour y arriver, il faudra que les citoyens se sentent d'abord en sécurité et aient confiance en l'administration à travers tout ce qui l'incarne, que ce soit les services de police ou de la commune ». Coordination des actions La création de ces structures de proximité, ou de renseignement, intervient au moment où les pouvoirs publics s'apprêtent à achever un projet de redéploiement des services de sécurité à travers la création d'une nouvelle direction générale chargée uniquement de la sécurité intérieure du pays. Composée de représentants des trois corps de sécurité et mise sous la tutelle du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales, la mission de la direction est de prévenir (et de faire face à) toute situation qui pourrait avoir des incidences sur la sécurité intérieure du pays, en mettant en action tous les moyens dont disposent la gendarmerie, la police et l'armée et en faisant en sorte que ces actions soient coordonnées. Mais, faut-il croire que ce redéploiement donnera ses fruits si sur le terrain les hommes appelés à l'exécuter ne sont pas engagés dans la lutte contre le terrorisme, pour une raison ou pour une autre. Il est clairement admis chez tous les spécialistes que la guerre contre le terrorisme nécessite avant tout une volonté politique d'éradiquer ce fléau, sans aucune concession. En outre, il est important de signaler que le projet en question aurait très bien avancé puisque même le nom de celui appelé à gérer ce service — un ancien général qui a eu à commander la marine nationale, dit-on — circule déjà dans les couloirs du ministère de l'Intérieur. Ce projet avait germé il y a quelques années avec l'arrivée de Yazid Zerhouni à la tête du ministère de l'Intérieur. Beaucoup voyaient la venue de ce nouveau service comme une mise à mort du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), dont la réputation est quelque peu entachée par des agissements de certains de ses officiers, mais également par son implication dans la gestion des partis politiques, l'organisation des élections et surtout le choix des dirigeants et des hauts responsables du pays. Mais les initiateurs de la nouvelle direction de la sécurité intérieure présentent cet instrument comme étant une nouvelle structure de prévention et de gestion de la sécurité qui n'emboîte pas le pas à celles qui existent sur le terrain. A défaut d'une interpellation du gouvernement sur la gestion de la sécurité par les représentants du peuple qui siègent dans les deux chambres parlementaires, la sécurité des Algériens se décide en cercles fermés, sans aucune contradiction.