Dans le domaine de la mode, la Chine n'attire pas seulement les grandes maisons étrangères. Huit jeunes créateurs de marques françaises viennent de présenter leur collection à Pékin avec l'espoir que ce premier voyage sera le début d'une nouvelle aventure. « Ce qui me plaît ici, c'est que je sens le potentiel, l'envie de travailler, l'envie de prendre des risques et l'envie d'acheter des choses. » A l'issue du défilé où Stéphanie Coudert et sept de ses collègues sont apparus pour la première fois en Chine, samedi dans un grand hôtel de Pékin, la créatrice évoquait prudemment mais avec bonheur des ébauches de projets à Shanghai. Contactée par des industriels de la plus grande ville de Chine, la jeune femme, à la tête de sa maison Silent Fair depuis trois ans, défend l'idée de « produire en Chine pour vendre en Chine » des lignes de luxe ou de prêt-à-porter qui seraient dérivées de son style dans lequel elle marie l'esprit mathématique de ses collections à l'expression « spirituelle » du vêtement. Comme les autres créateurs venus avec elle à Pékin, Stéphanie Coudert vend déjà au Japon. Hors Europe, certains de ces jeunes sont aussi présents aux Etats-Unis, à Hong Kong et à Taiwan. Et peut-être un jour en Chine. « Pour survivre, il est nécessaire d'aller ailleurs avec des lignes de diffusion moins chères », souligne Didier Grumbach, président de la Fédération française de la couture et du prêt-à-porter des couturiers et des créateurs de mode, à l'initiative du voyage. Pendant son séjour à Pékin, le groupe a pu rencontrer des créateurs et des industriels chinois et s'interroger sur la maturité de l'Empire du Milieu en matière de mode, tant du point de vue des fabricants que des consommateurs pas forcément prêts à dépenser des fortunes dans des marques encore peu connues. Aimant travailler à partir du cachemire et de la soie, Felipe Oliveira Baptista caresse doucement des rêves chinois. « C'est attirant de fabriquer en Chine, c'est bon marché », dit le jeune Portugais, sans se faire d'illusions à court terme, envisageant plus raisonnablement une activité de conseil ou un contrat de style pour pénétrer progressivement « un marché qui va exploser ». Anne-Valérie Hash, qui réalise 30% de son chiffre d'affaires au Japon et vend à Hong Kong et en Corée du Sud, mise aussi dans un premier temps sur du conseil. « Sauf peut-être pour de petites séries, c'est un peu tôt pour travailler ici », pense la créatrice, ajoutant qu'il est pour le moment « possible de s'en sortir économiquement en France ». Fondateur de sa marque en 2001, l'Anglais Adam Jones veut vendre en Chine : « Peut-être pas fabriquer, mais vendre. » « Quand il y aura des boutiques multimarques en Chine, ce sera plus facile », prédit ce Parisien de quinze ans, ancien de Kenzo et Dior. « Venu respirer l'air chinois, voir ce qui se passe, prendre des contacts », Marc le Bihan non plus ne piaffe pas d'impatience. Lui qui vient de fêter ses dix ans de carrière n'avait jamais mis les pieds en Chine mais il est le seul à avoir eu une expérience chinoise. « C'était en 1997, un riche Chinois est passé à Paris et m'a acheté une collection pour ouvrir une boutique à Hefei. Très vite, je n'ai plus entendu parler de lui et la boutique a sans doute disparu », s'amuse-t-il à raconter, précisant qu'il ne sait pas où se situe Hefei, capitale de la province de l'Anhui (est) pas spécialement à la pointe de la mode ! « En fait, je ne suis pas certain d'avoir ma place ici aujourd'hui. On a déjà des produits très pointus et chers pour des consommateurs de mode avertis en Occident », dit ce chercheur de matières qu'il froisse, use ou fait bouillir. Comme le suggère Adam Jones, le partenariat avec la Chine peut démarrer autrement : « J'aimerais prendre un créateur chinois chez moi à Paris. »