L'ambiance urbaine a baissé d'un cran. Les Annabis n'ont-ils plus le même rapport avec leur ville ? Le froid serait-il à l'origine des journées sans saveur dans la cité du jujube qui se distinguait, il y a quelques années, par son animation presque non-stop, de jour comme de nuit, tout au long des quatre saisons. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, Annaba était plus fréquentée en hiver qu'en été. Aujourd'hui, elle est en quelque sorte boudée par ses habitants qui lui donnaient son charme, sa beauté et sa jovialité. Le splendide et majestueux Cours de la Révolution, lieu propice aux rencontres et rendez-vous et passage obligé vers la vieille ville et vice versa, ne suscite plus autant d'intérêt chez les habitants, à l'exception de quelques inconditionnels qui y viennent le matin pour prendre un café sur une des terrasses, le temps de feuilleter un ou deux journaux, avant de repartir ailleurs. Même les discussions qui y duraient habituellement des heures ont cédé la place au silence, tout comme le va-et-vient des badauds qui a baissé d'intensité. Une ambiance terne est également observée dans les rues commerçantes de la ville, à l'exemple d'Ibn Khaldoun, ex-Gambetta, qui n'offre plus la même animation. Les magasins et boutiques qu'elle abrite vivent une certaine récession et font tout pour accrocher les quelques passants en exposant leurs produits. Les marchés des fruits et légumes du centre-ville et d'El Hattab n'enregistrent plus la même frénésie, qui se manifestait généralement vers les fins de mois avec le versement des salaires. La lassitude qui s'empare de la ville est vite chassée, fort heureusement, par les écoliers, collégiens, lycéens et étudiants, introduisant, ainsi, dès leur sortie de leurs établissements, une certaine ambiance dans les rues. La placette, érigée derrière le théâtre régional Azzedine Medjoubi par l'assemblée populaire communale sortante, est à longueur de journée presque vide. Elle se transforme en fin d'après-midi en une aire de jeu pour les enfants du quartier. Sans la circulation automobile, qui a pris de l'ampleur dans toutes les directions, Annaba donne l'impression d'être une ville morte, sans âme. Il faut dire que les cités de Abou Merouane Charif, Saint Augustin et Sidi Brahim Bentoumi n'offrent plus rien pour séduire ou pour se faire aimer. L'amertume qui gagne la ville a certainement ses causes et ses raisons. Le marasme économique, qui s'était installé depuis le début des années 1990 avec la compression des effectifs, a eu raison de la prospérité financière de la ville qui enregistrait, à l'époque, la distribution d'une importante masse monétaire générée principalement par les complexes sidérurgiques d'El Hadjar et d'Asmidal, employant au total 25 000 personnes. De quoi arroser les autres secteurs, et par la même occasion, engendrer une dynamique dans la vie sociale et culturelle qui a nettement périclitée en termes d'offre et de demande. Annaba, ville universitaire disposant d'infrastructures culturelles et sportives importantes, demeure mal servie et ne propose presque rien à ses habitants.