L'image est mauvaise : des enseignants et des fonctionnaires, sortis pour réclamer pacifiquement leurs droits, se font matraquer par des policiers en plein cœur d'Alger. Tous les discours sur le dialogue social s'effondrent. La qualité d'éducateur ne suffit plus pour arrêter une répression devenue banale au fil du temps. Le pays vit toujours sous état d'urgence qui interdit tout mouvement public de protestation. Cette situation a assez duré même si des impératifs sécuritaires peuvent être évoqués. Si elle est chargée de maintenir l'ordre public, la police n'est pas obligée de recourir à la manière forte pour se faire entendre à chaque fois qu'elle le veut. L'acte commis, mardi 11 février, contre les syndicalistes est gratuit. Il est aussi lourd dans une conjoncture difficile. La police, qui plus que jamais a besoin d'un certain soutien social pour prévenir les attentats à l'explosif, a encore une fois raté une occasion d'éviter les rancœurs contre son action. Ceux qui sont descendus dans la rue sont des syndicalistes de la Fonction publique, un corps dont la police fait partie. Les droits et la dignité défendus par ces braves gens, qui n'ont pas la qualité de casseurs, sont, théoriquement, ceux des policiers. De ce point de vue-là, l'attitude des hommes en bleu est incompréhensible. Les 140 000 agents et officiers de police ne sont pas autorisés à créer un syndicat. Cet interdit viole les règles universelles en la matière. Peu de voix s'élèvent au milieu de ce corps de sécurité pour dénoncer cette situation arbitraire. Au-delà du face-à-face policiers -syndicalistes, c'est l'attitude des responsables politiques qui est curieuse. Il n'y a pas encore de dialogue ouvert avec l'intersyndicale autonome de la Fonction publique. Le gouvernement algérien refuse d'avoir comme interlocuteur des organisations syndicales autonomes. Au lieu de l'argument et de la concertation, on sort le bâton. Trop facile ! Faut-il encore que le sang syndicaliste coule à côté de la Grande Poste pour qu'un responsable cravaté du Palais du gouvernement prenne de son temps précieux et écoute les revendications des salariés ? Cela fait des semaines que les protestations se font entendre et que des grèves se suivent. Pas de réaction officielle. L'un après l'autre, les ministres se sont mis à jongler avec des chiffres dorés et à créer des commissions. Le ministre du Travail et la Sécurité sociale a installé une commission chargée de trouver des financements à la CNAS. La CNAS, que les patrons de l'UGTA ont vidée grâce au scandale Al Khalifa, est-elle en faillite ? Si c'est le cas, à qui incombe la faute ? Ou existe-t-il un plan pour souffler ce qui reste des acquis sociaux en Algérie ? Tayeb Louh n'a rien dit. Djamel Ould Abbas, ministre de la Solidarité nationale, a annoncé la création d'une commission pour établir « une carte sociale ». ça ressemble à quoi « une carte sociale » ? Ould Abbas, qui est le premier à nier l'existence de la pauvreté dans le pays, donne l'impression de ne pas maîtriser le nombre des nécessiteux dans le pays et ceux qui ont besoin de l'assistance de l'Etat. A quoi servent toutes ces statistiques qu'on sort à chaque fois ? Il est connu – et même établi – que la meilleure manière de noyer un problème en Algérie est d'installer des commissions qui travaillent loin de tout contrôle citoyen. Face à un malaise social qui risque de déborder violemment dans la rue, les pouvoirs publics font preuve d'une immense crise d'imagination. Les méthodes utilisées sont hors usage. Il ne suffit pas d'avoir de l'argent dans les caisses pour proclamer la... bonne gouvernance.