Au train où vont les prix des aliments du bétail importés, les Algériens devront s'attendre à payer dans les prochaines semaines 250, voire 300 DA/kg de poulet et 10 DA l'œuf. La viande de bœuf devrait, quant à elle, dépasser allégrement les 1200 DA. Les 2000 aviculteurs privés encore en activité y laisseront évidemment des plumes avec la fermeture déjà largement entamée de nombreuses unités de production de viandes blanches et d'œufs. Plus de 50 000 emplois, pour la plupart exercés dans le milieu rural, seraient effectivement menacés avec le danger d'exacerbation de l'exode vers les villes qui souffrent déjà de trop-plein. C'est en substance le cri d'alarme que la corporation des aviculteurs vient de lancer, par le biais de leur syndicat, au chef du gouvernement et aux ministres concernés. Ils n'ont eu à ce jour aucune réponse en dépit de l'acuité du problème soulevé. Bien que dotée d'un énorme potentiel agricole qui lui permettait, il y a quelques décennies, d'exporter des céréales et bien d'autres produits de la terre, l'Algérie est depuis quelques années réduite à les importer pour nourrir non seulement sa population, mais également son bétail. Essentiellement fabriqués à base de céréales, les aliments du bétail subissent de plein fouet les hausses démesurées des prix qui affectent à travers le monde des produits stratégiques comme le blé et le maïs. Induites par des causes structurelles (baisse des cultures de céréales au profit de celles destinées aux biocarburants, augmentation de la demande mondiale), mais également conjoncturelles (hausse du cours de l'euro, perturbations climatiques), les hausses de prix des produits céréaliers n'ont à l'évidence aucune raison de s'arrêter aux niveaux records qu'ils viennent pourtant d'atteindre. Par le seul jeu du taux de change, il faut savoir que lorsque le quintal de blé ou de maïs augmente d'un euro, il augmente automatiquement de 100 DA (sans compter les impôts et taxes dus) au taux actuel de 1 euro pour 100 dinars. La facture globale des aliments du bétail s'est, pour toutes ces raisons, accrue d'environ 30% durant l'année écoulée, nous apprend un membre du syndicat national des aviculteurs et tout indique qu'elle sera encore plus lourde cette année. Allégement de la pression fiscale Les aviculteurs ont déjà perdu quelque 13 milliards de dinars, ce qui a considérablement fragilisé la corporation, dont une bonne partie a déjà mis la clé sous le paillasson, en attendant d'être suivis par ceux, fort nombreux, qui supportent un trop lourd surendettement. Mais que peut faire le gouvernement face à ces envolées de prix qui affectent pratiquement tous les produits importés ? La solution radicale aurait évidemment consisté à insuffler une nouvelle dynamique à la production nationale, seul moyen de réduire significativement les importations de produits agroalimentaires. Mais cela reste, au regard des intentions affichées par le pouvoir en place, un vœu pieux. C'est sans doute pour cela que les aviculteurs n'ont en fait réclamé dans leurs doléances adressées au gouvernement qu'un allégement de la pression fiscale qui s'exerce sur les divers composants de l'aliment du bétail, les produits pharmaceutiques et les traitements phytosanitaires, que les impôts et taxes ont fortement renchéris. Ils demandent également aux autorités concernées de prendre des mesures incitatives concrètes (hausses des prix à la production, octroi de crédits à taux bonifiés, etc.) pour impulser une nouvelle dynamique à l'amont agricole. Les aviculteurs tiennent à ce que l'on sache qu'ils n'ont à aucun moment demandé un soutien des prix, comme celui qui vient d'être récemment décidé pour la semoule, car cela pourrait être très préjudiciable pour le fonctionnement logique de l'économie. Ce qui est vrai, car imaginons quelle sera la réaction des aviculteurs lorsque le prix de l'aliment du bétail atteindra, voire dépassera celui de la semoule. Ne seraient-ils pas tentés de nourrir leurs volailles avec de la semoule ? Le pain rassis servant déjà d'aliment du bétail dans certains élevages, il ne faudrait pas s'étonner que la semoule devienne prochainement l'aliment de base de nos poulets.