L'histoire est somme toute banale : un couple qui fête ses dix ans de mariage dans un contexte social et économique plus que difficile. Et puis, ce qui promettait d'être un anniversaire mémorable vire au cauchemar avec les deux protagonistes qui se déchirent en se jetant à la face ce qu'ils taisaient depuis de longues années. Mesrah Elleil, qui s'était spécialisé dans le théâtre pour enfants, a décidé de « prendre des rides » en se lançant dans l'aventure du théâtre pour adultes et ce, pour la première fois avec la pièce Rabah oulekleb tnabeh, un dérivé du dicton « les chiens aboient, la caravane passe ». Avec Yacine Tounsi à la réalisation, le pari était vraiment risqué, puisque l'exercice s'avérait plutôt périlleux, d'autant que l'interprétation devait se faire avec Daoudi Serhane, Rabah, et Nour El Houda, Soraya, qui n'ont d'expérience confirmée que dans le théâtre pour enfants. Il est vrai que la pièce a tardé « à démarrer », mais au fil des minutes, les deux comédiens ont littéralement captivé et à fond l'attention des spectateurs du théâtre de Constantine, les faisant carrément rire aux larmes, tant ils avaient tourné à la dérision les situations les plus dramatiques, grâce à un savoir-faire des deux acteurs, qu'on ne soupçonnait vraiment pas. Rabah oulekleb tnabeh a été tout simplement un pur moment de bonheur qui nous a rappelé le célèbre spectacle français Ils se sont aimés, interprété par Michèle Laroque et Pierre Palmade. Sauf que de ce côté de la Méditerranée, les problèmes sont plus complexes et les répliques plus acerbes. Le ton ascendant, inculqué à la pièce, en rendait la trame encore plus succulente, où tout le monde se reconnaissait un peu dans les problèmes quotidiens inhérents à tous les couples de la planète. Mais force est de convenir que la représentation n'aurait jamais eu le succès enregistré lors de la générale, jeudi dernier, sans l'interprétation, avec maestria, du personnage de Rabah par le « petit » Daoudi Serhane. Il est également vrai que Nour El Houda a confirmé tout le bien que l'on pensait de son talent de comédienne. C'est vrai aussi que Daoudi Serhane a toujours eu ce petit quelque chose qui le différenciait des autres comédiens de la troupe Mesrah Elleil, mais nous ne pensions vraiment pas qu'il allait « exploser », et le terme n'est pas usurpé, dans un rôle que tout le monde appréhendait au vu de son inexpérience dans le genre tragi-comique. Alliant à merveille la gestuelle à la mimique, suscitant le rire aux larmes en une fraction de seconde, le jeune Daoudi est vraiment le parfait lauréat pour la célèbre phrase commune aux 7e et 4e arts : « une étoile est née ». Alors, bravo les artistes. Vous nous avez réconciliés avec les planches et bon courage pour votre nouvelle expérience dans le monde complexe des adultes.