Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a effectué une enquête administrative pour situer les responsabilités dans le dépôt de l'argent des caisses de sécurité sociale dans les comptes d'El Khalifa Bank. Les résultats de l'enquête ont été transmis au chef du gouvernement. C'est ce qu'a révélé hier le ministre Tayeb Louh, lors d'une conférence de presse animée au siège de son département, et ce, en marge des travaux du séminaire portant sur « Le rôle de l'Inspection du travail dans l'amélioration des conditions de travail ». Louh a indiqué qu'une somme importante dépassant les 20 milliards de dinars a été déposée dans El Khalifa Bank et que le montant diffère d'une caisse à une autre. « L'affaire Khalifa est devant la justice. Nous avons découvert que certaines personnes ont agi contrairement à la loi 92-02 régissant l'organisation et le statut du conseil d'administration des caisses. La justice déterminera les coupables dans cette affaire qui a causé une perte énorme aux caisses, perturbant ainsi leur équilibre. Nous avons pris des dispositions pour combler cette faille », a soutenu M. Louh. Selon lui, il faut lever toute ambiguïté afin que les responsables assument leurs actes. M. Louh a expliqué que le transfert de l'argent des caisses vers El Khalifa Bank s'est fait sans l'approbation du ministère du Travail. Cette opération a eu lieu en février 2002 lorsque Bouguerra Soltani était à la tête de ce département. Il ressort des investigations menées par les services de M. Louh que certaines personnes se sont substituées au conseil d'administration dans la prise de décision. Dans certains cas, le bureau - qui est élu par le conseil d'administration - se serait substitué à ce dernier dans la prise de décision du transfert d'argent. « Nous avons découvert, en vérifiant des procès-verbaux, que la décision de transférer de l'argent vers El Khalifa Bank a été prise sans la réunion du conseil d'administration. La personne qui a signé la décision est coupable d'une infraction pénale, à savoir faux et usage de faux », explique M. Louh. Le conseil d'administration de la CNAS (assurances sociales) est présidé par Abdelmadjid Sidi-Saïd, secrétaire général de l'UGTA. M. Louh n'a pas donné plus de détails. Il a annoncé que les individus impliqués dans cette affaire (faux et usage de faux) risquent une peine de prison allant de 10 à 20 ans. Outre la CNAS, les caisses concernées sont la CNR, la CNAC et la CASNOS. Le ministre, dans ce même contexte, a indiqué que parmi les réformes engagées figurent la réorganisation du fonctionnement du conseil d'administration et la mise en place des mécanismes adéquats pour « sa bonne gestion ». Par ailleurs, le ministère du Travail s'intéresse à la réorganisation de la fonction du recouvrement. Un organisme indépendant chargé du recouvrement des cotisations des travailleurs - actuellement géré par la CNAS - et de la distribution des quotes-parts sera installé prochainement. Un groupe de travail s'attelle à finaliser le dossier. Le ministre a annoncé qu'un décret portant statut de contrôleur de la Sécurité sociale sera promulgué. Les contrôleurs doivent prêter serment afin d'exercer leurs fonctions. « Jusqu'à aujourd'hui, les caisses ont fonctionné d'une manière anarchique. Il faut mettre un terme aux dépassements. La mission du contrôleur est d'identifier les travailleurs qui ne sont pas déclarés au niveau de la Sécurité sociale et vice versa. L'objectif de cette opération est de préserver l'équilibre financier de la Sécurité sociale », a soutenu M. Louh. Il a indiqué que les dépenses les plus importantes sont liées à l'assurance maladie et aux frais médicaux. Le remboursement des frais médicaux, qui était de 19,67% en 2002, est passé à 33,33% en 2003. Le ministre a révélé qu'il y a une fraude constatée au niveau des vignettes et un abus dans la prescription des médicaments. « J'ai mené une enquête et j'ai découvert que beaucoup de fonctionnaires de la Sécurité sociale s'adonnent à cette activité. Certains d'entre eux ont été traduits devant la justice. Il y a eu même des mandats de dépôt et d'autres ont été suspendus de leur poste de travail. La loi est claire et celui qui l'enfreint payera », a lancé M. Louh. Sur un autre chapitre, l'Inspection de travail a élaboré 5605 procès- verbaux d'infraction en 2002. Durant la période allant de 1999 à 2003, le total des mises en demeure et procès-verbaux d'infraction s'élève à 40 472. En 2004, près de 531 entreprises privées importantes ont été contrôlées. Il a été constaté que sur un effectif global de 38 478 travailleurs, 352 n'étaient pas déclarés. Pour ce qui est des médias, et sur un échantillon de cinq quotidiens regroupant 1104 travailleurs, il a été constaté que 305 journalistes ne sont pas déclarés à la Sécurité sociale.