L'APW s'est renouvelée mais les mœurs restent archaïques. Ainsi et toujours, un temps précieux est gaspillé par l'exercice lassant de la lecture collective en séance plénière des rapports qui devraient, le rappellera un élu excédé, être remis suffisamment à l'avance pour être bien assimilés et soigneusement exploités. Les séances devraient être consacrées surtout aux débats mais, comme le souligne un observateur averti, « c'est peut-être fait exprès ». En conclusion de la présentation du bilan de l'exécutif, la secrétaire générale de la wilaya, qui assure l'intérim depuis 16 mois, ce dont d'ailleurs ne se plaint absolument pas la population qui ne constate aucune différence dans son vécu quotidien, la priorité a été accordée aux routes, à l'AEP et à l'éducation. Selon la responsable de l'exécutif, c'est grâce en effet au programme du président de la République entamé en 2000 que s'est développé le réseau routier dans la wilaya et par la même occasion le désenclavement des zones les plus reculées. Demie vérité car, il y a eu effectivement et à grands frais, ici et là, des réfections et le plus souvent mal réalisées, comme l'a relevé un membre dont les propos ont été jugés excessifs mais qui s'est à juste titre interrogé sur la qualité de ces travaux routiers qui ne tiennent pas l'année. Les mêmes griefs ont été adressés à l'encontre du secteur de l'hydraulique. Mais où est cette eau que l'on promet depuis des lustres ? Là encore, la qualité des travaux et des équipements est telle que malgré la réalisation de grands projets d'adduction et de distribution, les populations qui devaient en bénéficier souffrent toujours autant de la pénurie. Enfin, dira une élue dont on ne peut mettre en doute les connaissances puisqu'elle appartient à la famille de l'éducation, comment se fait-il que les établissements scolaires continuent de manquer de chauffage ? Là où il a été installé ou réparé en engloutissant des crédits faramineux, il ne fonctionne pas pour des défaillances techniques. Elle a pris pour exemple des établissements du secondaire où le chauffage ne fonctionne que dans 3 lycées sur 20. Mais où vont donc les milliards de l'éducation ? s'est-on interrogé. Mais à quoi est-il consacré ? Malgré l'octroi de crédits spécifiques depuis plusieurs exercices, les élèves manquent toujours de tables et de chaises et restent debout pendant les cours, transis de froid par les courants d'air et trempés jusqu'aux os les jours de pluie. Ils en arrivent à se battre comme des chiffonniers pour une chaise à trois pattes. Pourquoi on en est arrivé jusqu'à demander aux enfants de cotiser pour payer les vitres cassées par les courants d'air qui passent à travers les portes désarticulées et les fenêtres branlantes. Les établissements sont toujours hideux et de plus en plus clochardisés. Comment ne pas s'étonner de ces batailles rangées entre élèves, de l'usage presque banalisé d'armes blanches et de drogues dans un environnement qui cultive la violence et où s'épanouit le népotisme outrancier dans l'évaluation des élèves et de la fraude généralisée aux examens ? Tout ceci sous l'œil nonchalant d'une administration qui se gargarise et galvanise ses troupes lorsque, miraculeusement, les résultats des examens font passer El Tarf en moins d'une année de l'avant-dernière place au milieu du tableau du classement national. Le secteur de l'éducation à El Tarf est probablement timoré car au centre de plusieurs grandes affaires de malversations toujours pendantes devant la justice, affaire du lycée de Chbaïta, affaire du mobilier scolaire etc… Son premier responsable est sous contrôle judiciaire depuis l'éclatement des affaires de corruption à El Tarf en mars 2006 et on s'en accommode. Est-ce là la seule raison qui explique l'arriération de ce secteur ? « Le secteur de l'éducation manque d'infrastructures administratives », observe la secrétaire générale qui vole au secours de son directeur. Ce n'est d'ailleurs pas particulier à l'école, « la wilaya accuse un retard extraordinaire en infrastructures administratives, notamment celles de souveraineté comme la DGSN ou les Douanes algériennes ». De nombreux projets sont programmés mais ceux qui sont lancés connaissent des difficultés. « Le terrain manque ou est difficile à dégager, les entreprises sont frileuses. Les grandes entreprises ne viennent pas à El Tarf et nos appels d'offres restent sans échos et généralement déclarés infructueux. C'est ce qui nous a amenés à lancer un avis national et international pour l'hôpital de 24 lits de Besbès. Il sera réalisé clé en mains par une entreprise étrangère », annoncera encore la secrétaire générale. Des commentaires pris sur le vif donnent une autre vision du problème. Pour certains élus, si les entreprises, qui pourtant se bousculent à Annaba, ne viennent pas à El Tarf, c'est précisément à cause de l'omnipotence de l'administration qui cache sa médiocrité et son incompétence par l'excès et la lenteur des formalités les plus élémentaires. Et pour les mauvaises langues, c'est parce que dans la wilaya des oiseaux migrateurs ils se font déplumer un peu plus qu'ailleurs. Ou alors, comme c'est aussi la wilaya de l'élevage du bovin, il n'y a plus rien à brouter. Les uns et les autres étant déjà passés par là.