Normalement, quand on veut faire comme les autres, c'està- dire ressembler, toutes proportions gardées, aux oscars américains ou aux césars français, la première condition est de disposer d'abord d'un potentiel de création télévisuelle ou cinématographique suffisamment large pour prétendre à une cérémonie de remise des récompenses aux plus méritants digne de ce nom. C'est, on ne vous le fait pas dire, l'apothéose d'une véritable compétition entre plusieurs concurrents. Ce n'est hélas pas le cas pour les Fennecs d'Or algériens contraints de faire péniblement la sélection à partir d'une production vraiment insignifiante et qui donc faute de pouvoir briller par la promotion des talents, n'ont pas d'autre issue que de tomber dans l'anecdotisme. La preuve, ce sont deux feuilletons Mawid maâ el qadar et Imarat de Hadj Lakhdar qui ont pratiquement raflé les plus hautes distinctions, laissant presque des miettes aux autres. Si c'est là l'image qui est donnée de notre télé, elle parait bien triste par rapport aux projections qui lui étaient promises. Pourtant, la salle du TNA où a eu lieu la manifestation était le rendez-vous privilégié de la grande famille du monde de l'audiovisuel où se côtoient réalisateurs, comédiens, producteurs, scénaristes, décorateurs, musiciens... Il y avait théoriquement du beau monde comme on dit, mais au final la récolte a paru une fois de plus décevante, parce que loin des espérances. Derrière le semblant des réjouissances, de cette convivialité artistique qu'on veut instituer comme une tradition pour se rencontrer, se faire connaître et faire le point sur ce qui a été fait, se cache la réalité du constat : la création télévisuelle en Algérie est au plus mal. Elle n'arrive pas, en fait, à éclater, à produire des films, des feuilletons, des séries, des émissions en quantité et en qualité pour pouvoir les confronter une fois l'an et désigner les lauréats sur la base d'une compétition qui a ses règles et ses exigences. L'esprit compétitif, c'est l'unique voie pour crédibiliser la distribution des titres aux meilleurs et par conséquent relever le niveau d'une politique culturelle qui a bien besoin d'être revitalisée. Cela ne veut pas dire que les heureux promus de cette cinquième édition des Fennecs d'Or auront été de simples faire-valoir, loin de là. Dans un challenge réduit comme une peau de chagrin, ils ont été les plus convaincants aux yeux du jury qu'on ne peut soupçonner de laxisme et du public qui a été semble-t-il associé à cette kermesse. Le paradoxe est donc ailleurs dans l'incompréhensible incapacité à intensifier le travail de production alors que les ingrédients existent. D'ailleurs, sur le visage des invités de marque de cette cérémonie qui connaissent sur le bout des doigts le milieu, il y avait comme un air d'insatisfaction, de regret et d'amertume. Une sorte de dépit de voir tant de gâchis alors que les moyens humains et matériels sont disponibles pour donner à l'activité artistique dans tous les domaines le rayonnement qu'elle mérite. ”Il faut croire qu'on se suffit de ces résultats”, disent certains qui n'hésitent pas à mettre à l'index la bureaucratie, l'incompétence et le clientélisme qui gangrènent la profession pour expliquer les retards alarmants enregistrés par notre pays. “Organiser une soirée de consécration comme celle-ci c'est bien, mais à condition qu'elle soit le reflet d'une vie artistique et culturelle qui bouillonne. Or ce n'est pas dans ce cas de figure”, ajoutent d'autres. Pour eux, heureusement qu'il y a le Ramadhan comme point de référence pour fouetter un peu les énergies et mettre les décideurs au pied du mur. Curieusement, les deux feuilletons primés ont été les têtes d'affiche du mois sacré, comme quoi dire qu'entre les Fennecs et le Ramadhan il y a un lien de causalité n'est pas du tout une vue de l'esprit. Mais ces récompenses étant là, il faut faire avec. Et évidemment tout ce qui tourne autour, autrement dit la multitude de ratés qui n'a pas manqué d'alimenter la chronique des médisances. Forcément quand on prête de manière si flagrante le flanc ! La palme est revenue, c'est devenu presque une coutume, à la présentatrice-animatrice qui s'est distinguée par des maladresses incroyables dans sa façon d'apostropher les artistes, notamment les hôtes de l'Algérie à l'instar de la Libanaise Carmen Loubes qu'elle empêcha de livrer ses pensées au public, ou par son excès de zèle lorsqu'elle se crut le droit de censurer un lauréat lui demandant à haute voix de ne pas s'exprimer dans la langue de Molière. Le summum de la bourde a été atteint quand cette même présentatrice, pourtant non dépourvue de charme, a décerné le prix à un lauréat alors qu'il revenait à un autre. Du jamais-vu, et on imagine l'humiliation qu'elle a fait subir à celui qui a franchi les marches pour recevoir une récompense qui ne lui était pas destinée. Autre particularité de cette soirée boudée par la ministre de la Culture pour certainement incompatibilité avec le maître de céans en l'occurrence HHC, les remerciements à profusion adressés au patron de l'Unique pour sa magistrale initiative et bien entendu les félicitations au président Bouteflika qui revenait comme un leitmotiv comme une implication politique alors que l'événement était strictement culturel. HHC, a relevé un journaliste, a eu droit à trente et un satisfecit, c'était donc sa... soirée. Quant à Bouteflika, il ne restait aux marques de reconnaissance qui lui ont été témoignées que l'appel pour une “ôuhda telta...” pour être vraiment d'actualité. Mais ç'aurait été trop flagrant.