La marine nationale tire elle aussi l'alarme face au phénomène de « harraga » (immigration clandestine) qui atteint des « proportions alarmantes ». A l'occasion d'un séminaire sur l'action de l'Etat en mer, organisé hier à l'Ecole supérieure navale de Tamentfoust, des officiers supérieurs, des chercheurs et des experts du domaine maritime ont dressé un état des lieux des plus inquiétants. Première brèche du dispositif de lutte : aucun texte de loi ne punit le fait de prendre la mer à bord d'une embarcation. C'est ce qu'a révélé le commandant Boutadjine Salah, chef du bureau OPS/GFGC des gardes-côtes de Annaba. En clair, le « harrag » est juridiquement inclassable dans le dispositif juridique et législatif national. C'est là, d'après le conférencier, un facteur aggravant du nombre de harraga. Il en veut d'autant plus que la fameuse soirée du 31 décembre 2006, où un véritable « voyage organisé de plusieurs embarcations » à destination de l'Europe avait eu lieu à partir de la plage de Sidi Salem, dans la daïra d'El Bouni (Annaba), constitue une sorte de point de non-retour de ce phénomène. Cet officier qui a suivi de près l'évolution de ces expéditions migratoires apporte un démenti cinglant à ceux qui pensent que les harraga sont uniquement des chômeurs. « Il a été constaté que ces aventures ne concernent pas les jeunes chômeurs uniquement, mais aussi les fonctionnaires, les étudiants, les commerçants, les femmes et les enfants », devait-il expliquer. S'il relève « une nette baisse » de ce phénomène dans cette région grâce à un dispositif combiné avec la Gendarmerie nationale et la sûreté nationale, les statistiques, elles, sont têtues : 1380 personnes ont été interceptées en mer en 2007 contre 750 en 2006 et 127 en 2005, d'après le Centre national des opérations de surveillance et sauvetage (CNOSS/SNGC). Les statistiques montrent également une hausse accrue de prises au niveau des ports qui ont culminé en 2007 à 1568 contre 335 en 2005. Parmi ces « clandos », les services concernés ont mis la main sur des Marocains, des Congolais, des Maliens, des Nigériens et « 24 autres nationalités ». Conteneurs : touche pas ! Maksen Samir Tarek, maître assistant – ISM Bou Ismaïl –, a noirci un peu plus le tableau de bord des autorités, en faisant remarquer dans sa communication que le nombre des interventions en mer a connu une hausse de 991% alors que le nombre des clandestins interceptés en mer a connu une hausse de 1086%, ce qui donne un total général de 2919 clandestins interceptés à la fin de l'année 2007. Les clandestins de nationalités étrangères représentent 4,41% dont les Marocains détiennent la palme avec 3,39%. Cet enseignant de l'ISM de Bou Ismaïl a mis également le doigt sur la plaie sécuritaire que fait peser le transport de clandestins, les substances illicites et la contrebande par voie maritime dans la région du Maghreb. « Ce phénomène génère de nouveaux risques en matière de sécurité et de sûreté non appréciés par le législateur. » L'universitaire dit ne pas comprendre pourquoi l'Algérie s'entête encore à ne pas ratifier la convention sur le contrôle des conteneurs qui est pourtant une source de « terrorisme maritime ». Pour y remédier, il exhorte le ministère de la Justice à hâter la réforme de « certains aspects juridiques et réglementaires existants » et met l'accent sur l'absolue nécessité d'« harmoniser les législations dans ce domaine au niveau des pays du Maghreb ». Pour ce jeune maître assistant, l'émergence de nouvelles menaces qu'il a désignées sous le vocable de crime maritime suppose une prise en charge rapide par les législateurs des pays incriminés. Il suggère aussi aux autorités algériennes de voir les « modèles et concepts régionaux qui ont, d'après lui, fait leurs preuves et peuvent servir de lignes directrices pour assister les pays menacés par certains fléaux non maîtrisés ». Les pays du Maghreb devraient, selon lui, s'inspirer des nouvelles approches adoptées, liées à la sécurité et la sûreté maritime, dans l'évaluation et l'analyse des menaces.