Avec l'ouverture, durant ces deux dernières années, de dizaines de commerces de luxe, le boulevard Ben Boulaïd rappelle à la population annabie le boulevard parisien des Champs- Elysées. De grands magasins de prêt-à-porter, meubles de luxe, lunetterie, parfumerie grandes marques et des fast-foods longent ce boulevard. Pratiquement tous les rez-de-chaussée des villas ont été transformés par leurs propriétaires en locaux commerciaux avec des vitrines bien achalandées, n'ayant rien à envier à celles d'outre-mer. Les nombreux habitants des quartiers limitrophes (Oued Kouba, Saint-Cloud, Ménadia et Majestic) qui fréquentent quotidiennement ce boulevard ne sont pas restés indifférents face à cette mue. Ils sont émerveillés par le goût et le design très « in » des gérants de ces commerces. Le projet Bel azur aurait pu apporter un plus à ce décor, si le plan d'aménagement initialement prévu avait été respecté. C'est d'ailleurs ce qui a été soulevé par de nombreux architectes et urbanistes de Annaba. Ils ont, néanmoins, émis des critiques sur cette mue quasi quotidienne que connaît le boulevard Ben Boulaïd. En guise d'argument, ils ont avancé le glissement spontané des espaces de centralité et du noyau colonial. Pour eux, une aire de centralité émergente au nord, organisée autour du projet Bel Azur sur la corniche, est aujourd'hui reliée au centre urbain colonial par un boulevard de la pénétrante Ouest, transformée en artère commerciale et de services. « Le boulevard Ben Boulaïd a perdu progressivement sa vocation résidentielle pour devenir un axe majeur valorisé par des activités commerciales, et les fonctions développées dans cette aire géographique sont à dominante de services », a affirmé l'architecte et urbaniste A. Hafiane. Celui-ci a, par ailleurs, indiqué qu'un autre pôle de centralité a émergé au sud de la ville, organisé dans une première phase autour du marché d'El Hattab et de la station centrale d'autobus. Ce deuxième pôle a tendance à glisser vers la Plaine Ouest du fait d'une réappropriation du site du gazomètre par l'activité tertiaire à travers les projets de centres d'affaires. Les activités sont à dominante commerciale et artisanale avec appropriation des espaces publics par le commerce informel. Aussi, A. Hafiane considère-t-il que la centralité urbaine, telle qu'observée actuellement, diffère sensiblement de la centralité originelle de la ville coloniale et ne correspond pas à celle analysée puis proposée par les instruments d'urbanisme. « Ce ne sont pas des centres délimités morphologiquement, mais des aires étendues avec des pôles dont l'usage et la fréquentation sont modulés par le temps matin et soir, jour de semaine et week-end et durant toutes les saisons », a-t-il ajouté.