Un mort, 17 blessés, dont 2 graves, des dizaines de magasins incendiés et saccagés, des maisons dégradées : tel est le triste bilan d'un affrontement entre les deux communautés, ibadite et malékite, à Berriane, ville située à 40 km au nord du chef-lieu de wilaya, Ghardaïa. Ils auraient comme signe déclencheur des jets de pétards à l'intérieur d'une maison et qui auraient provoqué la perte d'un bébé à une maman enceinte. Une autre source affirme que le pétard a été lancé sur une femme qui traversait la rue. L'incident a dégénéré après l'intervention du mari venu avec un renfort punir les agresseurs de sa femme. L'effet immédiat fut le déclenchement d'un mouvement de foule dévastateur opposant les archs du quartier dit mixte de Kef Hammouda qui abrite les communautés mozabite et chaâmbie. Selon des témoignages concordants, le mouvement s'en est pris aux commerces et domiciles du quartier entre 22h et 4h30 pour s'apaiser peu après l'intervention des forces de l'ordre, arrivées sur les lieux vers 4h. L'accalmie de la journée du jeudi a été rompue avec la tombée de la nuit qui a vu la reconstitution du mouvement de la veille. Une foule de jeunes déchaînés s'attaquait aux commerces et habitations du même quartier, Kef Hammouda, où des dizaines de locaux commerciaux ont été saccagés. Les maisons n'ont pas été épargnées puisque le pillage a pris pour cible plusieurs d'entre elles après que les propriétaires menacés de mort ont quitté les lieux la peur au ventre. Ali Lassakeur, un jeune de 30 ans habitant Kef Hammouda, n'a hélas pas pu échapper à son triste sort. Frappé de deux coups de feu portés directement au cœur, il a succombé peu après son admission à l'hôpital de Berriane. La mort d'un des leurs n'a fait qu'envenimer la situation entre les Mozabites, dont Lassakeur fait partie, et les Chaâmba, accusés d'avoir causé sa mort. Hier, nous avons pu constater de visu des magasins fumants encore dans la rue la plus commerçante. Plusieurs véhicules ont été aussi endommagés par des jets de pierre fusant de plusieurs endroits. Des commerçants ont été aperçus en train de déménager leurs biens et produits par peur des pillages et saccages. Tous les endroits sensibles de la vieille ville étaient assiégés et cadenassés par un impressionnant déploiement des unités conjointes des forces de sécurité (police et gendarmerie). Vers 11h30, nous avons croisé le wali de Ghardaïa, entouré des autorités sécuritaires de la wilaya, mais sans pour autant pouvoir lui soutirer, ni à lui ni au chef de daïra, la moindre déclaration. Néanmoins, le commandant du groupement de gendarmerie de Ghardaïa, le lieutenant-colonel Mokhtar Benguedira, a accepté de nous faire un bilan de la situation, mais les circonstances et les événements qui ont suivi ne lui ont pas permis de nous recevoir dans l'immédiat. Contacté par téléphone hier à la mi-journée, le maire de Berriane comptait ses blessés après avoir rendu visite à la famille du défunt Lassakeur. M. Hadjadj n'a pas mâché ses mots par rapport au manque de vigilance et d'efficacité des forces de l'ordre, interpellées par ses services au moment même où se déroulait le premier incident de vendredi et qui ne sont intervenues qu'après sept heures. Selon lui, une intervention à temps aurait pu maintenir l'ordre public et éviter l'amplification du conflit. Il souligne par ailleurs les termes de sa discussion avec le wali et le chef de daïra pour réclamer que l'accalmie de jeudi soit saisie pour maîtriser la situation et éviter qu'il y ait mort d'homme. « Le seul décès qu'on déplore s'est produit jeudi soir à un moment où le quartier chaud n'a pu être quadrillé après une nouvelle explosion de foule », ajoute-t-il, expliquant qu'une bonne répartition des forces de l'ordre aurait pu mieux cerner la ville et dominer le mouvement. Depuis, le téléphone fixe est en panne à Berriane qui est isolée. L'éclairage public, perturbé depuis l'avant-veille, s'est carrément éteint jeudi à la tombée du jour et l'ambiance laisse prévoir de nouvelles confrontations si une démarche adéquate n'est pas mise en œuvre. Des représailles suite à la mort du jeune Lassakeur ne sont pas à exclure. Houria Alioua, K. Nazim