Temps difficiles pour le bâtiment. La branche est en crise et les opérateurs économiques font face à des déséquilibres financiers menaçant jusqu'à la survie de leurs entreprises. Et pour cause, les entrepreneurs du bâtiment engagés avec le gouvernement sur des marchés publics de construction se retrouvent ces jours-ci dans une situation inextricable. La flambée des prix des matériaux de construction depuis le début de cette année, particulièrement du ciment, du rond à béton et du sable, rend les contrats passés avec le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme et celui des Travaux publics non rentables. « Pratiquement tous les chantiers sont à l'arrêt. Le peu de ceux qui s'accrochent ont réduit la cadence de façon draconienne », constate le président de l'Union nationale des entrepreneurs du bâtiment (UNEB), Bengaoud Ahmed. D'après cette source, « certains projets sont à l'arrêt total, tandis que d'autres fonctionnent à 20% ». Pour ce syndicat patronal affilié à la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA), « cette situation ne peut plus continuer ». Le patron de l'UNEB, la plus importante association des entrepreneurs du pays avec ses 700 adhérents, nous explique que « les opérateurs du BTPH sont pris entre le marteau et l'enclume ». D'une part, étaye-t-il, les prix flambent impactant négativement sur le prix de revient du mètre carré habitable qui est passé à 38 000 DA sur la dernière année alors que les contrats passés avec le gouvernement ont plafonné la même surface à 24 000 DA. D'autre part, l'arrêt technique des chantiers expose les détenteurs de marchés à « des pénalités de retard » conformément aux clauses contractuelles. Conséquence directe, de nombreux entrepreneurs ont suspendu les travaux. Certains parmi eux ont carrément déposé le bilan. Ce secteur est fortement employeur de main-d'œuvre artisanale (maçons, ferrailleurs, coffreurs, électriciens, plombiers…). Les professionnels du bâtiment ont été contraints, dans la plupart des cas, à réduire leurs effectifs, explique encore M.Bengaoud. Le président de l'UNEB nous a précisé qu'« au moment de la passation des marchés, le prix offert par les pouvoirs publics permettait de dégager une marge bénéficiaire ». « Beaucoup de spéculation » Evidemment, sur la base des prix des matériaux de construction de 2005. En l'espace de trois ans, les prix ont renchéri de 120%. Le sac de ciment de 50 kg est passé de 180 à 500 DA et la tonne du rond à béton a atteint les 9000 DA, alors qu'elle ne dépassait pas les 3500 DA en 2005. Si la vérité des prix sur les marchés internationaux est la cause de l'envolée du rond à béton, ce n'est pas le cas pour le ciment. « Cet intrant, avoue Bengaoud Ahmed, est cher parce qu'il y a beaucoup de spéculation. » Pour cet entrepreneur, « de pseudo-promoteurs qui n'ont d'entrepreneur que le registre du commerce se font fournir auprès des cimenteries. Des quantités qui atterrissent plus tard dans le marché spéculatif ». Stock insuffisant Il rejoint ainsi les propos du ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, Nouredine Moussa, qui, à partir de M'sila, avait rassuré sur les capacités de production nationale. Théoriquement, les capacités du pays, entre publique et privée, peuvent alimenter le marché à hauteur de 16,5 millions de tonnes de clinker par an. Dans les faits, les unités ne peuvent pas tourner à plein régime et en tout temps. Il est des périodes d'arrêt, soit pour panne ou pour maintenance. Généralement, les cimenteries prévoient des quantités de sécurité en stock, ce qui s'avère insuffisant face à l'explosion de la demande. Cependant, reconnaît l'UNEB, « le problème du ciment n'est pas dans la production ». « Bon an, mal an, la production est suffisante », estime M.Bengaoud qui situe le maillon faible au niveau de la distribution mais aussi du contrôle. Il s'interroge ainsi sur le degré d'implication des services de contrôle dans l'épuration des fichiers. Pour sortir de la crise, cette organisation patronale préconise deux voies au gouvernement qui devrait débattre demain de ce dossier en conseil ministériel. « Soit les prix de départ sont actualisés ou alors permettre une résiliation à l'amiable des contrats », souligne M.Bengaoud. Dans le premier cas, l'UNEB fait l'offre au gouvernement de revenir à la table des négociations pour revoir le prix de référence du mètre carré habitable avec effet rétroactif pour couvrir l'ensemble des pertes subies. Dans le cas contraire, les entrepreneurs ne veulent pas qu'on applique les règles de commercialité convenues au départ et veulent tout simplement la résiliation des contrats à l'amiable sans paiement de pénalités de retard. L'UNEB estime, par ailleurs, que les pertes engendrées par les projets laissés en chantier devraient être couvertes par l'Etat.