Les parties qui se disputent la présidence ukrainienne demeuraient hier sur leurs positions au moment où le Parlement proposait l'annulation du scrutin. Les manifestants toujours aussi déterminés ont encore empêché hier le président auto-proclamé Victor Ianoukovitch de rejoindre son travail de même qu'ils poursuivaient le siège du gouvernement à Kiev, paralysant de fait la vie dans le pays. L'Ukraine est aujourd'hui suspendue sur l'issue du bras de fer engagé entre le candidat du pouvoir M.Ianoukovitch et le candidat de l'opposition Victor Iouchtchenko tous deux fermement campés sur leurs positions. La médiation européenne s'est élargie à la Russie avec l'arrivée à Kiev du président de la Douma (chambre basse du parlement russe) Boris Gryzlov qui vient renforcer le «contingent» formé par les présidents polonais, Aleksander Kwasniewski, lituanien, Valdas Adamkus, le secrétaire général de l'organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (Osce) le Slovaque Jan Kubis, et le Haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère, l'Espagnol Javier Solana. Ce dernier a de fait averti que les relations futures entre l'UE et l'Ukraine vont dépendre de la manière avec laquelle sera résolue la crise actuelle à Kiev, indiquant : «Nous voulons développer une relation profonde avec une Ukraine démocratique, mais la qualité de cette relation va dépendre de la qualité de la vie démocratique en Ukraine». Si la situation demeurait hier tendue, l'opposition et le pouvoir se sont néanmoins engagés à continuer de négocier pour trouver une issue pacifique au différend, s'engageant également à ne pas faire «usage de la force» qui «pourrait entraîner une escalade du conflit et un bain de sang» selon une déclaration lue par le président sortant Léonid Koutchma. Par ailleurs, l'opposition qui bloque depuis mercredi les sièges de la présidence et du gouvernement par des manifestations monstres, menaçait hier d'étendre cette paralysie du pays aux aéroports, aux autoroutes et aux chemins de fer. C'est dans ce climat électrique que le Parlement s'est réuni hier en session extraordinaire avec un seul thème: comment sortir de la crise induite par les résultats contestés de l'élection présidentielle. D'emblée, le président du Parlement ukrainien, Volodymyr Litvine, où le pouvoir dispose de la majorité, a préconisé la seule solution «réaliste» selon lui consistant dans l'annulation du scrutin. C'est effectivement le résultat auquel sont parvenus les députés, le Parlement ukrainien s'étant prononcé hier pour l'invalidation du scrutin présidentiel du 21 novembre et exprimé sa défiance envers la commission électorale centrale, une décision non contraignante qui vise à sortir de la crise politique. Le Parlement s'est également prononcé pour la dissolution de la commission électorale centrale. Hier, les députés se déterminaient point par point sur une résolution globale qui doit être agréée dans son ensemble. De fait, la décision du Parlement n'est pas contraignante mais constitue à l'évidence une indication des représentants du peuple pour une sortie pacifique de la crise. Aussi, le vote du Parlement est-il une indication, et il appartiendra alors au pouvoir de suivre ou non les propositions émises par le Parlement. Mais il s'agit pour le moment et prioritairement de sortir d'une crise qui menace de s'envenimer dans les prochains jours si les choses n'avancent pas dans la bonne direction. De fait, l'opposition menace de «passer à l'action» s'il n'y a pas évolution concrète des faits dans les prochains jours, comme le déclarait vendredi soir l'opposant Iouchtchenko devant ses partisans indiquant notamment: «Nous nous réservons quelques jours pour le processus de négociations, si Ianoukovitch veut faire traîner les choses, nous passerons à l'action». Il reste encore à voir, toutefois, ce que va décider la Cour suprême qui doit examiner demain la plainte déposée par l'opposition quant aux fraudes qui ont émaillé le déroulement du scrutin. Entre-temps, le président sortant Léonid Koutchma, tente de calmer le jeu, déclarant hier: «Une partie de la population a voté pour Iouchtchenko, une autre partie pour Ianoukovitch, personne ne doit se sentir vainqueur ou vaincu (...) en raison de la situation précaire de la démocratie et des divergences entre les régions». En effet, si la capitale Kiev semble totalement acquise au candidat de l'opposition, Iouchtchenko, celle de la seconde ville du pays, Lviv est elle entièrement acquise au candidat du pouvoir, et pro-russe Ianoukovitch. C'est dire que la situation reste fort délicate dans la mesure où les deux parties se trouvent quelque peu dans une position qui n'est pas loin du pat (position de nullité dans le jeu d'échec) renvoyant dos-à-dos les deux postulants à la présidence de l'Ukraine.