Benyoucef Mellouk a révélé, en 1992, le dossier des « magistrats faussaires ». Il occupait, avant cette date, le poste de chef de service des affaires sociales et du contentieux au ministère de la Justice. Pour avoir révélé cette affaire à l'opinion publique, Mellouk fera deux fois de la prison. Il sera limogé, privé de son salaire, de son droit à la retraite et interdit de quitter le territoire national.Propos recueillis par Quelle est votre appréciation à propos de la tenue du 10e congrès de l'ONM ? Un vrai congrès doit accepter, sans exclusion, tous les authentiques moudjahidine pour y assister. C'est très grave aujourd'hui, alors qu'on célèbre le 50e anniversaire de la révolution de Novembre, d'user de la carte d'invitation et surtout de la carte d'adhérent pour faire de la sélection. L'Etat qui a organisé ce congrès doit agir vite avant que ne disparaissent les historiques comme Ben Bella, Bentobal, le commandant Azzeddine ou Boubnider. D'authentiques moudjahidine comme Bouragaâ, Abdelhafid Amokrane et beaucoup d'autres sont là pour contribuer à l'assainissement d'une mémoire souillée par les agissements des traîtres. Il faut crever l'abcès maintenant, sinon ce sera une trahison au serment fait aux chouhada et surtout vis-à-vis de nos enfants qui ne croient plus, à cause de l'affaire des faux moudjahidine, aux réels sacrifices consentis par toute une génération pour arracher l'indépendance de l'Algérie. Comment voyez-vous l'évolution de l'affaire des « faux moudjahidine » ? Dans cette affaire, il y a beaucoup d'intérêts et certains clans ont tout fait et feront encore plus pour empêcher le traitement des cas des faux moudjahidine. J'ai en ma possession 132 dossiers qui concernent des « magistrats faussaires » ainsi qu'une liste de 328 noms dont les dossiers ont disparu, bien que j'en ais fait part, en 1992, au juge d'instruction de la cour d'Alger. A cause de cela, tous les types de pression sont exercés sur moi. Je tiens à rappeler que l'assainissement du corps de la magistrature a été ordonné par le Conseil de gouvernement à travers la circulaire 640 du 24 octobre 1978. C'est-à-dire quelques semaines avant la mort de Houari Boumediène. Le président Bouteflika avait assisté à ce conseil et même donné son avis. Cette affaire des magistrats faussaires avait conduit au limogeage de Boualem Benhamouda et, après lui, de Tahar Soufi, du poste de ministre de la Justice. Ces faux moudjahidine du corps de la Justice bénéficient depuis longtemps, et jusqu'à aujourd'hui, de divers formes de soutien à travers les rouages de l'Etat. Comment réagissez-vous aux déclarations de Kechroud et Daâs à la presse, comme quoi le dossier des faux moudjahidine est vide ? Je lance un défi à ces deux responsables pour une confrontation publique et médiatisée. Au lieu de dire toute la vérité, ils tentent de tromper l'opinion publique. Je rappelle que suite à la circulaire n° 493 du 6 octobre 1986, M. Kechroud - qui était au ministère de la Justice - a fait retour du dossier confidentiel des « magistrats faussaires » à des amis et protégés de Kherroubi, alors ministre de la Justice. Tous les faits ont été communiqués au juge d'instruction le 24 mars 1992. C'est d'ailleurs à cause de cela qu'El Hadj Benyellès, alors secrétaire général au ministère de la Justice, déposera sa démission. Quant à M. Daâs, celui-ci a tout fait pour que j'abandonne mon combat pour la vérité, alors qu'il m'avait reçu au siège de l'ONM lorsqu'il était responsable de l'organique de cette organisation, en présence de Saïd Abadou et de Abdelhafid Amokrane, honorable moudjahid de la Wilaya III. Selon vous, quel serait l'impact social de cette affaire ? Ce dossier, que certains disent vide, constitue déjà un mensonge historique au peuple qui a fait confiance à ses dirigeants depuis l'indépendance. Aujourd'hui, il est en droit d'exiger la vérité pour assainir une mémoire collective dénaturée par les agissements de traîtres à la nation et qui, de plus, veulent montrer qu'ils sont irréprochables et même de valeureux moudjahidine.