La grève générale à laquelle ont appelé, en Egypte, quelques partis et mouvements d'opposition pour le 6 avril a totalement échoué. Sans surprise, puisque ceux qui ont appelé le « peuple égyptien à rester à la maison » ne se sont pas beaucoup déplacés eux-mêmes pour organiser ce qu'ils voulaient être et annonçaient d'ores et déjà dans les médias comme le début d'un vaste mouvement de désobéissance civile. En effet, c'est une première qui vient d'avoir lieu en Egypte : une grève générale aux velléités insurrectionnelles de surcroît est totalement programmée et organisée par emails et SMS. Cette grève générale à laquelle ont appelé les partis Karama, Al Ghadd, le Parti du Travail égyptien, le mouvement Kefaya, avec laquelle l'organisation des Frères musulmans s'est solidarisée du bout des lèvres refusant de s'impliquer davantage, est en réalité venue se greffer sur une autre grève. Les quelque 20 000 travailleurs du plus grand complexe textile du pays, Ghazl al Mahalla, avaient annoncé à la fin du mois de février qu'ils se mettraient en grève le 6 avril si le gouvernement ne répondait pas à leur revendication d'augmentation du salaire minimum. Ils s'étaient rendus célèbres en Egypte en réussissant par deux fois, en 2006 et en 2007, à paralyser les usines et en ayant gain de cause à chaque débrayage. Les travailleurs de Mahalla étaient devenus tellement mythiques dans une Egypte où la grève n'est pas reconnue comme un droit, qu'ils étaient devenus un modèle à suivre dans de nombreux autres secteurs de l'économie où les débrayages s'étaient multipliés. Raison pour laquelle, probablement, certaines personnalités politiques de l'opposition ont décidé de venir « s'ajouter » à la grève de Mahalla, et d'ajouter aux revendications des travailleurs du coton une liste de revendications aussi éclectique qu'interminable. Ainsi, le peuple égyptien est appelé à faire grève pour soutenir les revendications suivantes envoyées par emails : « Nous voulons des salaires qui nous fassent vivre, nous voulons travailler, nous voulons une éducation pour nos enfants, nous voulons des transports publics humains, nous voulons des hôpitaux qui nous soignent, nous voulons des médicaments pour nos enfants, nous voulons une justice impartiale, nous voulons confiance et sécurité, nous voulons dignité et liberté, nous voulons des appartements pour les nouveaux mariés, nous ne voulons pas des prix qui flambent, nous ne voulons pas de la torture dans les postes de police, nous ne voulons pas de la corruption… », etc. Toujours est-il que cet appel a été relayé par les médias qui, au départ, s'interrogeaient sur la possibilité qu'une grève générale organisée par emails et SMS réussisse mais qui se sont mis, avec l'approche de la date fatidique, à craindre une zone de turbulence politique grave pour l'Egypte avec le passage du 6 avril. En ce matin du 6 avril donc, les policiers sont descendus en masse au centre-ville du Caire pour empêcher manifestations et rassemblements et les usines de Ghazl al Mahalla ont été investies par des centaines de policiers qui ont emmené de force les grévistes aux machines. Les organisateurs de la « grève générale » avaient annoncé la veille qu'au moins 150 000 travailleurs suivront l'appel à la grève générale. Mais l'amère réalité de ce 6 avril égyptien est que la grève générale virtuelle a fini par faire échouer la grève bien réelle des travailleurs du textile. Partout ailleurs, pour l'Egypte et les Egyptiens, ce jour aura été surtout marqué par des vents de sable spectaculaires, entrecoupés de quelques averses.