Le tribunal de Berriane a jugé hier l'affaire des 22 personnes arrêtées lors des troubles qui ont secoué, du 2 au 4 avril, cette coquette ville située à 45 km du chef-lieu de la wilaya de Ghardaïa. Berriane (Ghardaïa). De notre envoyé spécial Treize accusés ont été acquittés dont le jeune orphelin Abdelhamid Daddi Adoun, qui a, à l'âge de 10 ans, perdu ses parents égorgés par les terroristes en 1996 à Baba Ali (Alger). Sept autres ont, en revanche, écopé de six mois de prison avec sursis, tandis que les deux derniers ont été condamnés à une année de prison dont trois mois avec sursis. Le procureur de la République a requis, après son réquisitoire, deux ans de prison ferme et une amende de 5000 DA contre chacun des mis en cause. La présidente de l'audience, Mme Sabiha Koraïchi, a pris le temps d'écouter les prévenus qui ont réfuté en bloc les charges retenues contre eux et clamé leur innocence. Ils ont expliqué, tour à tour, les circonstances dans lesquelles ils ont été arrêtés, jurant qu'ils n'étaient nullement impliqués dans ces troubles. « J'ai été arrêté devant la porte de ma maison », « on m'a interpellé devant mon magasin », « j'étais assis dans mon quartier loin des affrontements lorsque des gendarmes m'ont demandé de les suivre », « je n'ai rien fait », « j'ai été arrêté par erreur », répondaient les mis en cause à la plupart des questions qui leur étaient posées par la juge et le procureur. « Vous êtes donc tous innocents. Personne parmi vous n'a participé à ces événements, n'a jeté des pierres ni saccagé ou brûlé des maisons ou magasins », lance à leur endroit, placide, la présidente de l'audience. Certains prévenus, arrêtés en possession d'armes blanches (barres de fer et bâtons), ont dit qu'ils les ont juste pris avec eux pour se défendre en cas de tentative d'agression. L'un des inculpés, Rouane Mohamed, a déclaré qu'il était sorti pour protéger sa maison contre une quarantaine de personnes qui voulaient y entrer par effraction. « Vous n'êtes pas censé faire cela. Les services de sécurité étaient sur place. Et si chacun tente de se défendre lui-même, ce sera la grande pagaille. Il y a des autorités pour défendre le pays », lui précise-t-elle. Les avocats de la défense ont battu en brèche les arguments du parquet et mis en relief, l'un après l'autre, l'absence de preuves tangibles et suffisantes impliquant leurs mandants dans les dernières violences qu'a connues la ville. « Ils ont été arrêtés à cause des événements et non pas parce qu'ils étaient leurs auteurs », clame l'avocat Daddi Adoun Banouh, plaidant comme tous les autres avocats l'innocence des prévenus. De son côté, Me Abidi a mis en évidence les anomalies existant dans le PV d'instruction de l'affaire. « Dans le PV, il est mentionné que les accusés ont été arrêtés dans des endroits différents. Cela prouve qu'ils n'étaient pas dans un attroupement illicite », relève-t-il avant d'ajouter que « si réellement ces accusés ont détruit des biens d'autrui ou obstrué la voie publique, il devait nécessairement y avoir un ou des plaignants. Mais là, aucune plainte n'a été déposée. Sur quelle base les a-t-on poursuivis en justice donc ? ». Me Abidi est allé jusqu'à se demander si l'on est en train de juger « ceux qui étaient réellement derrière les événements », affirmant au passage que « ce n'est surtout pas en emprisonnant ces gens qu'on va régler le problème ». Les victimes attendent toujours « Car, à mon avis, souligne-t-il, cela nécessite plus de temps, un travail de fond dans lequel doivent s'impliquer tous les acteurs de la société civile dont les notables. » Pour sa part, l'avocat Mohamed Hamka a expliqué à l'assistance qu'il ne suffit pas de trouver sur une personne une « bouteille de vinaigre » pour l'accuser d'avoir participé à des émeutes, appelant à ce que tout le monde contribue à éteindre « le feu de la fitna ». Le procès, ouvert à 10h30, s'est déroulé, faut-il le préciser, sous haute surveillance. Un dispositif impressionnant a été mis en place dès la matinée par la gendarmerie, quadrillant l'entrée du tribunal. Tant dans la salle d'audience que dans la rue, le calme a régné en maître. Aucun incident n'a été signalé. A la sortie du tribunal, des victimes de ces troubles, qui se sont soldés par un mort, une dizaine de blessés et une trentaine de maisons et magasins saccagés, pillés et brûlés, nous ont interpellés sur leur situation. Parlant en leur nom, Taleb Bahmed, dont les parents habitant le quartier Kaf Hammouda étaient eux aussi victimes de ces événements (leur maison a été complètement saccagée, pillée et partiellement incendiée), affirme que ces victimes réclament des compensations correspondant aux dégâts occasionnés à leurs biens mobiliers et immobiliers, et ce, en suivant les rapports dûment établis par la commission en charge du dossier, installée au lendemain des troubles. Les victimes rappellent à l'occasion la promesse faite par le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, de prendre en charge les dégâts de ces troubles. Elles attendent…