Toutes les solutions provisoires mises en œuvre ne semblent pas abréger le calvaire d'une population qui en appelle au chef du gouvernement en personne pour l'aider. Depuis que Berrahal a livré ses égouts à la ville, dans les années 1970, avec tous les vices que le citoyen continue à payer, et de tous les quartiers de Ouargla, Sidi Amrane est celui qui illustre le mieux le fiasco de la gestion des eaux tant potable que celles d'assainissement ou d'irrigation agricole. Toutes les localités de la cuvette de Ouargla sont inondées tout au long de l'année d'eaux remontantes affluant de la nappe phréatique ou débordantes venant droit des égouts. Située à peine à 7 km de Ouargla, Sidi Amrane sonne le glas d'une catastrophe sanitaire et écologique. Elle paraît plus lointaine, tant elle présente toutes les caractéristiques d'une localité malade non pas de ses propres eaux mais de celles des autres quartiers qui, dès que la station de pompage de Souk Essebt tombe en panne (ce qui arrive fréquemment), le rejet se fait automatiquement à Sidi Amrane. Une petite oasis oubliée et marginalisée depuis longtemps, sauf quand on a eu besoin d'assiettes de terrains à construire. Et ce fut le cas. Sidi Amrane est le premier quartier périphérique de la commune de Ouargla après le Mekhadma historique. Sidi Amrane compte tous les paradoxes possibles d'un quartier reculé vite rattaché au centre du fait de l'urbanisation. Juste à l'entrée du quartier et après une grande école primaire qui fait sa fierté, nous retrouvons la fameuse cité des cadres de la wilaya d'un côté de la route et la cité des sinistrés de l'autre. C'est à la cité des sinistrés que nous nous sommes évidemment rendus suite au cri de détresse des femmes de cette localité. A un kilomètre de l'entrée, il était clair qu'il y a urgence. De grandes pompes étaient en marche pour absorber les eaux débordant des regards et les rejeter dans les canaux de drainage agricole. Tous les responsables du secteur de l'hydraulique, l'EDEMIAO et de l'APC étaient présents sur les lieux du sinistre. Urgence oblige, car tant les égouts étaient simplement bouchés et leurs eaux se déversaient dans la rue et débordaient sur les trottoirs, ces moyens étaient absents, du moins de l'avis de la population. La situation persiste pourtant depuis le 3e jour du Ramadhan. Ce jour-là, ce sont les femmes qui ont bloqué la route pour crier leur détresse aux autorités locales : « Nos maisons sont inondées par les égouts et personne ne veut nous porter secours. » Elles ont donc mis leur tapis sur le goudron et placé des réchauds pour préparer les repas de leurs famille. Les policiers qui ont voulu dégager la voie ont eu à essuyer la foudre des femmes exaspérées par les grandes quantités d'eaux usées débordant du carrelage de leur maison et qu'elles ont eu à déverser dans la rue. Les logements des mankoubine au nombre de 100, portent désormais bien leur nom et les familles renouent ainsi avec le sinistre et la précarité d'il y a vingt et quatorze ans où des pluies dévastatrices leur ont fait quitter le ksar. La famille Henni nous reçoit dans une courette envahie par les eaux d'égout. « Nous avons été obligés de trouer le mur d'enceinte à la fin, car les eaux devenaient trop importantes », commente la grand-mère. Quatre familles habitent cette maison qui croule sous les eaux. Chez les Trabelssi, l'une des rares maisons plus ou moins potables de la cité, le père déversait désespérément l'eau à l'extérieur. Il nous parle d'une visite officielle mais inefficace du wali, du chef de daïra et du maire deux semaines avant le Ramadhan. Les Missoum, Mezouar, Boughaba et Aoura sont les plus touchés par le phénomène. Alors que les premiers - plusieurs femmes sans hommes - semblaient exténués par le transport des eaux nauséabondes en dehors de la maison qui ne semblait point s'assécher, les autres nous montrent des murs qui s'effritent suite à l'absorption de quantités soutenues d'eau. Juste en dessous de la prise, une jeune fille ôte un morceau de plâtre mouillé : « On risque d'être électrocutés mais nous n'avons pas où aller », dit-elle. D'autres ont des maisons à moitié remblayées de sable imbibé d'eau. Ailleurs, les eaux stagnantes ont subi également un remblayage commencé en pleine rue durant les premières semaines du Ramadhan mais rien à faire. Les eaux jaillissent à flots du sol et ne semblent pas vouloir s'arrêter. Alors que les pompes aspiraient l'eau plus loin pour dégager la route, la population restait persuadée qu'« il ne s'agit que d'une solution provisoire », ce que nous dira khalti Kheira qui a demandé des comptes au P/APC lors de son passage. « Même les vices de construction sont apparus au grand jour. Il est clair que ces maisons n'ont pas été construites selon les normes, sinon comment expliquer que l'eau jaillisse d'une dalle renforcée de carrelage ? », s'interroge la dame. La question est sans cesse posée par les occupants des nouveaux logements car toutes les constructions de la wilaya présentent des défectuosités apparentes à l'œil nu à la réception, alors que les services techniques attestent de leur conformité ! Quant aux causes de ce débordement qui n'en finit pas depuis des semaines, le directeur de l'Edemiao l'explique par le fait que deux gros bouchons situés respectivement au niveau de Sonacome sur la RN 49 et à Chorfa soit à quelques kilomètres du quartier. Les bouchons en question seraient dus aux gaz constitués par les eaux usées dans les canalisations et puisque l'entretien incombant aux services communaux ne s'effectue pas régulièrement faute de moyens et de savoir-faire, il faut attendre ce genre de catastrophe pour qu'une intervention d'envergure soit décidée. Et tel est le cas à Sidi Amrane où il ne se passe plus un jour, depuis deux jeudis, où l'exécutif ne vienne s'enquérir de la bonne marche de l'aspiration des eaux. Une solution provisoire qui devrait déboucher, « au sens propre et figuré », sur des travaux de réfection du réseau confiés à l'entreprise Ben Aoun, qui n'a d'ailleurs pas encore commencé les travaux prévus depuis jeudi dernier. En attendant, Sidi Amrane est loin d'être considérée comme zone sinistrée alors qu'elle l'est de par la situation de sa population installée pour longtemps sur une mare d'eau d'égout avec le risque des MTH qui se profilent.