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Noureddine Moussa. Ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme
« Les rénovations urbaines sont l'apanage des promoteurs privés »
Publié dans El Watan le 22 - 04 - 2008

Beaucoup d'immeubles anciens se dégradent faute d'entretien, la maintenance immobilière aurait dû figurer parmi les actions stratégiques que l'Etat se doit d'engager pour atténuer la crise du logement. L'état d'abandon dans lequel se trouve la majorité écrasante du vieux bâti apporte malheureusement la preuve qu'en Algérie on ne se préoccupe toujours pas de l'entretien des vieux immeubles, du reste, nombreux à s'effondrer...
La question que vous posez est très importante car, tout comme vous, je considère que si construire des logements neufs est nécessaire, entretenir ce qu'on a construit est tout aussi important. Et c'est précisément parce que l'entretien du patrimoine immobilier figure parmi les préoccupations majeures de mon département ministériel que je me suis penché dès mon installation sur la problématique de la gestion immobilière. Des ateliers auxquels ont participé des experts, des gestionnaires de biens immobiliers et des acteurs de la société civile ont été organisés à cet effet durant tout le mois d'octobre 2007. Un certain nombre de recommandations que nous comptons enrichir par les expériences de certains pays étrangers ont déjà été formulées. Pour ce faire, nous avons décidé de l'organisation d'une conférence internationale sur la gestion immobilière, programmée les 10 et 11 juin à Alger. Recueillir les avis d'experts internationaux et connaître l'expérience des pays qui ont de l'avance dans le domaine de la gestion immobilière sera, j'en suis convaincu, d'un précieux apport. L'organisation de cette conférence a déjà obtenu l'accord du président de la République qui, par ce geste, réitère l'importance particulière qu'il accorde à la gestion immobilière en général et à la maintenance du patrimoine immobilier en particulier. Un patrimoine immobilier constitué, il est bon de le savoir, à hauteur de 90% de logements privés. L'habitat géré par les offices publics est modique par rapport à la masse des propriétés privées. L'entretien, la réparation et la rénovation d'immeubles ne sauraient de ce fait connaître un développement significatif sans l'implication massive des propriétaires privés. La rénovation urbaine étant une question importante mais également très sensible, notamment lorsqu'il s'agit d'immeubles menaçant ruine, l'Etat a inscrit au niveau de certaines grandes villes le diagnostic de nombreux immeubles. Au niveau de la capitale, quelque 6000 immeubles sont en phase de diagnostic sous l'égide de la direction du logement d'Alger, et qu'à Oran, ce sont tous les immeubles du centre-ville qui sont concernés par l'expertise. Ces études permettront d'engager sur de bonnes bases les travaux de rénovation requis.
Les offices (les OPGI notamment) chargés de la gestion des patrimoines immobiliers auraient pu donner l'exemple d'une bonne maintenance d'immeubles susceptible de servir de référence aux privés. Comment expliquez-vous cette défaillance ?
Les seules ressources financières dont disposent les OPGI pour entretenir les immeubles qui leur sont confiés proviennent des charges incluses dans les loyers qu'ils sont censés percevoir. Pour diverses raisons, les offices en question ne parviennent malheureusement à recouvrer que 35% des loyers et des charges qui les accompagnent. C'est, vous en convenez, trop peu pour assurer le financement de programmes d'entretien et de rénovation que requiert une bonne partie du parc public. Cela ne nous a toutefois pas empêché d'organiser avec la collaboration de l'Institut supérieur de gestion et de planification (ISGP) un cycle de formation en faveur des administrateurs de biens, avec l'espoir qu'ils puissent contribuer à améliorer certains aspects qualitatifs de la gestion exercée par les OPGI.
C'est à l'administrateur d'immeubles qu'échoit, sous d'autres cieux, la responsabilité de la maintenance immobilière. Cette fonction, prévue par la législation algérienne, tarde malheureusement à se mettre en place dans notre pays…
L'administration d'immeubles, mieux connue sous le nom de syndic d'immeubles, est une nouvelle fonction. Sous d'autres cieux, l'acte de gérer un immeuble par un professionnel est un acte volontaire. Les habitants d'un immeuble se tournent vers un professionnel qui s'appelle administrateur de biens ou syndic, pour négocier moyennant contribution financière l'entretien de leur immeuble. En Algérie, nous ne sommes malheureusement pas encore arrivés à ce niveau de maturité permettant à des citoyens de solliciter volontairement les services de professionnels de la gestion d'immeubles. L'encadrement juridique de cette nouvelle activité n'ayant été pris en charge par la législation algérienne que depuis 2003, le temps est encore trop court pour en faire une évaluation. Nous comptons toutefois sur la prochaine conférence internationale pour débattre de cette problématique et sortir avec des propositions de lois et règlements, si besoin est.
Les propriétaires évoquent l'impossibilité de répercuter sur le montant des loyers les frais engagés dans l'entretien des immeubles abritant des locataires, comme principale cause de l'absence d'intérêt pour la maintenance de leurs biens...
Je pense que l'évolution des loyers est permise par les textes réglementaires, et s'ils s'avèrent encore insuffisants, nous comptons aller encore plus en avant dans le futur pour que les opérateurs concernés aient intérêt à s'ériger en nombre en promoteurs de rénovation urbaine. Cette dernière ne doit pas être le fait des Etats, mais comme cela se passe dans de nombreux pays du monde, celui des promoteurs immobiliers. Les promoteurs font du porte-à-porte, rachètent de vieux immeubles pour les rénover ou construire du neuf qu'ils revendent ou louent en dégageant d'importantes plus-values. Il existe dans pratiquement toutes les villes algériennes des gisements fonciers urbains dont ces promoteurs pourraient tirer profit en les valorisant. Acheter un vieil immeuble qui ne comporte que quelques logements, le rénover de façon à ce qu'il en comporte le double, n'est-ce pas une judicieuse manière de réaliser de substantiels profits tout en étant utile à la collectivité. Mais au jour d'aujourd'hui, nous ne disposons malheureusement pas de ces professionnels de la rénovation urbaine, les quelques opérateurs en activité ayant du mal à évoluer dans ce sens parce qu'ils comptent trop sur l'Etat. Il faut que ces derniers se rendent à l'évidence que l'Etat ne peut pas intervenir dans tout et que son rôle consiste seulement à réguler, organiser, mettre en place la réglementation et les incitations adéquates. C'est à ce genre de propositions que nous irons certainement à l'issue de la conférence internationale, car il ne faut surtout pas s'attendre à ce que l'Etat réalise seul ces coûteuses rénovations urbaines qui sont l'apanage des promoteurs privés.


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