Les poursuites engagées contre le président de la coordination des sinistrés du séisme d'octobre 1980 pour ses déclarations sur le dossier du préfabriqué ont été le facteur déclenchant d'un mécontentement généralisé qui a fini par éclater dans la rue. Chlef. De notre bureau Le procès intenté contre lui par le wali de Chlef et qui devait se tenir hier a été reporté au 11 mai prochain suite aux événements qui ont secoué la région. Des émeutes ont donc secoué hier toute la ville de Chlef et ses environs, entraînant le saccage de certains édifices publics, tels que l'agence de la BEA, la recette principale de la poste, un laboratoire d'analyses médicales, le siège de la direction régionale d'Algérie Télécom, la gare ferroviaire, les sièges des directions de la formation professionnelle, de l'industrie et des mines, ainsi que le centre de services Djezzy et d'autres banques privées. Les manifestants ont tenté de s'attaquer aussi aux sièges de la wilaya, de la daïra et de l'APC de Chlef, mais ils en ont été empêchés par les forces antiémeute déployées devant ces institutions dès les premières heures de la matinée. De même, les feux de signalisation ont été arrachés et les abribus transformés en barricades. Les troubles se sont étendus par la suite aux cités environnantes et à la commune voisine de Chettia qui est considérée comme l'un des grands bidonvilles de la région. Là aussi, l'on signale des dégâts matériels causés à des structures publiques, et la route nationale reliant Chlef à Tenès, via cette agglomération, est restée bloquée pendant toute la journée d'hier. L'ampleur de la révolte était telle que le centre de Chlef s'est totalement vidé de ses occupants et donnait l'aspect d'une ville morte. Pratiquement toutes les administrations ont fermé leurs portes et les transports publics contraints de rebrousser chemin. Jusqu'en fin d'après-midi, la tension était encore perceptible et l'on craignait une reprise des manifestations. Selon des informations non confirmées, 60 personnes auraient été arrêtées par les services de sécurité. Pour beaucoup, le marasme social, la hogra et la carence manifeste des responsables locaux quant à la prise en charge des préoccupations majeures des citoyens sont venus se greffer au mal aigu que vivent les milliers de sinistrés depuis le violent séisme d'il y a 28 ans. « Non seulement on nous a privés injustement de l'aide financière qui nous était attribuée dans la loi de finances de 2007, pour améliorer l'état de nos constructions, mais en plus on s'est acharné contre les rares voix qui voulaient défendre, par la voie de la sagesse et du dialogue, nos revendications légitimes », nous ont indiqué des pères de famille rencontrés après ces événements. Cette déclaration résume l'avis général des populations qui occupent les 20 000 baraques construites au lendemain de cette catastrophe naturelle. « Comment peut-on annuler tout un dispositif de la loi de finances, approuvé par le Parlement et signé par le président de la République ? », s'interrogent-ils, tout en montrant du doigt le wali de Chlef et les élus locaux qui n'ont pas daigné, d'après eux, se pencher sérieusement sur ce dossier. « Au contraire, ils ont persisté à nous tourner le dos et à gérer cette question sensible et délicate par la manipulation, la ruse, les intimidations et la fuite en avant », ajoutent-ils encore. Mais il n'y a pas que les sinistrés d'El Asnam qui se plaignent de leur sort, les jeunes au chômage sont de plus en plus nombreux à dénoncer la « marginalisation, l'exclusion et l'absence de toute perspective en matière d'embauche ». « Les jeunes sont livrés à eux-mêmes et tous les dispositifs de soutien à l'emploi de cette catégorie de la population ont été déviés de leur objectif principal. De plus, les responsables locaux sont insensibles à notre détresse et ne font rien pour améliorer notre situation », indiquent certains d'entre eux. Il faut savoir que la population occupée à travers la wilaya n'est que de 270 000 personnes, sur un total d'un million d'habitants. On est loin, très loin même du taux de chômage officiel de 12%, d'autant que les investissements créateurs d'emplois se comptent sur les doigts d'une main. Pourtant, la wilaya a bénéficié d'une somme faramineuse au titre des différents plans de développement, soit une manne de 226 milliards de dinars qui, selon les habitants, n'a pas eu l'effet escompté sur leur quotidien et n'est pas utilisée à bon escient. « Voyez l'état des routes, la montée du chômage et des maux sociaux, la saleté qui envahit nos villes, et vous avez une idée sur la situation qui prévaut dans notre région martyre », soulignent en résumé les Chélifiens.