Les rires s'élèvent, un joyeux brouhaha retentit dans la salle avant que le goual (Abbas Lacarne) n'avise le début du spectacle. 21h. La tahtaha (place publique) s'invite au théâtre. Paroles et refrains d'autrefois, spectacle non conventionnel, coloré et tout en mouvement, est la toute nouvelle production du café littéraire du Théâtre de Sidi Bel Abbès. Un spectacle offert en off, lundi soir, au public et festivaliers de la 2e édition du festival du théâtre professionnel de la ville. Chemise au vent, un sifflet d'un maître de alaoui à la main et la voix quelque peu éteinte, Lacarne alterne chansonnettes, maximes populaires et quatrains de Sidi Abderahmane El Mejdoub, de Benharat et de Mestfa Ben Brahim. Paroles et refrains d'autrefois s'inscrit dans la continuité de L'ultime halqa, spectacle réalisé en 2006. L'ultime halqa, c'est l'histoire d'un goual qui, pour sa dernière représentation sur la place publique (tahtaha), convie deux de ses amis gouala à animer une halqa exceptionnelle, sublimant son public par des maâni en métaphores et des sagas puisés du patrimoine oral local. « Avec Paroles et refrains d'autrefois, on n'est plus dans la halqa traditionnelle, on passe à un stade supérieur », confie Lacarne dans les coulisses. Le théâtre du dire ou « masrah el gouala » est un spectacle interactif, vivant, à l'image du théâtre de la rue. Au bout d'une heure de spectacle, le saxophone de Saâdi Mohamed, le karkabou de Miloud Hassani et l'accordéon de Abbès Sedjrari font plonger la salle dans une atmosphère diwan sur un parfum de b'khour. Biya Dak El Mor, récit émouvant des déportés algériens à Cayenne (Nouvelle-Calédonie), fige la salle. La voix vigoureuse de Sedjrari donne plus de consistance émotionnelle au récit. Puis transition vers deux qacidate du terroir, des morceaux t'rab : Oued Chouly et Aïn Ba Daho, exécutés avec brio par Sedjrari et Lacarne, armé cette fois-ci de son bendir. Petit intermède : le saxophoniste Saâdi Mohamed gratifie son public en interprétant Petite Fleur de Sydney Bechet avant de céder le micro à Sedjrari qui interprète la chanson mythique de feu M'qallech, Khalouni Nebki Ala Rayi. Une célèbre complainte des années 1980. Le spectacle s'achève par Zoudj h'uitate, un hymne cantique et mélodieux, légué par Benyamani. Le public en demande encore plus. Il est presque minuit. Masrah el gouala consent une dernière prestation tout en donnant rendez-vous à ses admirateurs pour les mois prochains. Paroles et refrains d'autrefois, conçu par une poignée de troubadours des temps modernes, combine différentes formes d'expression musicale, poétique et chorégraphique. Un spectacle unique en son genre.