Dans un élan de « sauve-qui-peut », des centaines de riverains, sous les coups de boutoir des hordes obscurantistes, avaient fui la région abandonnant maisons et biens. En arpentant le tortueux chemin de wilaya (CW) n° 53, à partir du chef-lieu de daïra, Grarem Gouga vers le Nord, l'on découvre, au bout d'une ascension éreintante de 15 km, la commune de Hamala. De prime abord, les lieux ne paient pas de mine, car la localité, qui est censée contenir quelque 13 000 âmes, n'est délimitée, d'Est en Ouest, que par l'imposante montagne dont les sommets culminent à environ 2 700 m d'altitude, et qui porte le nom de Djebel M'cid Aïssa. Sur les visages des villageois rencontrés, l'on peut aisément déceler des signes de malvie, de lassitude et de désespoir. En clair, c'est une expression de repli sur soi et de méfiance que semblent dégager ces gens d'une extrême simplicité, mais ô combien courtois et obligeants dès qu'on les sollicite. Ainsi figée aux piémonts de cette montagne inhospitalière qui fait office d'ultime rempart entre le territoire de la commune et la wilaya de Jijel, Hamala donne l'impression de s'agripper, contre vents et marées, à l'espoir, à l'avenir et à la paix, comme tout être s'accrochant à la vie, malgré les aléas et les vicissitudes d'un quotidien aussi incertain que terrible. En dépit de son statut de chef-lieu de commune dépendant administrativement de la daïra de Grarem Gouga, Hamala est, exception faite des autochtones, quasi inconnue au bataillon. Des quatre importantes agglomérations qu'elle coiffe, à savoir Cheglibi Makhlouf, Ouassaf, Badsi et Hammam Beni Haroun, c'est incontestablement la dernière localité citée qui attire l'attention, car, à l'évidence, le nom du site a une corrélation avec le méga-ouvrage hydraulique. Mais aussi parce que l'on n'évoque pas l'endroit sans avoir à l'esprit le cadre féerique où est implantée la station thermale et, surtout, les succulentes et incontournables gargotes de brochettes que proposent la chaîne des gargotiers de Hammam Beni Haroun, sur le tronçon de la RN 27 (Constantine-Jijel) ; immense carrefour de détente et de villégiature où se développent de multiples commerces activant dans la restauration, les fruits et légumes, l'artisanat, etc. Un créneau porteur qui a permis jusqu'ici à de dizaines de chefs de familles de survivre et nourrir les leurs. Mais, est-ce une fin en soi ? En tout état de cause, le nouveau locataire de l'Hôtel de ville, Abdelbaki Medjrab, a dressé, dans un franc-parler irréprochable, un état des lieux des plus alarmants. A ce propos, il dira : « Tout manque à Hamala. L'Etat doit œuvrer en urgence à l'électrification des zones rurales, la réalisation des routes, la sécurisation des douars et des mechtas enclavés, en plus de mettre un terme au pillage des câbles électriques, phénomène qui a accentué les carences de l'électrification rurale ». Et d'ajouter : « Les pouvoirs publics gagneraient certainement plus à ouvrir de sérieuses et durables perspectives d'emploi devant les jeunes. Face à l'absence de la moindre structure économique, le taux de chômage est ahurissant à Hamala, où les citoyens ont fini par enterrer leurs dernières illusions. La révision à la hausse des quotas d'aide à l'habitat rural, qui n'a pour l'instant pas dépassé le seuil de 170 dossiers validés, ce qui est largement insuffisant, est aussi l'une des préoccupations majeures de la population ». Un lourd tribut… La région a payé un lourd tribut au terrorisme, et la première victime au niveau de la wilaya de Mila à être passée au fil de l'épée, fut un simple citoyen. C'était en 1994 au lieudit Aïn Guenaâ. Deux autres citoyens seront froidement assassinés à Hamala-centre, en plein jour. Au gré de nos pérégrinations, nous avons rencontré un certain Abdelfettah N., ex-garde communal qui a perdu une jambe dans un attentat à la bombe à Djebel Bounaâdja (commune de Grarem) en 1997. Exhibant sa prothèse qui va jusqu'à la hanche, ce père de 3 enfants affirme n' « avoir reçu, depuis, aucune indemnisation, ni avantage social ». Plusieurs personnes ont été tuées à Cheglibi Makhlouf. La commune de Hamala est déclarée ville morte à partir de 16h. La liste est longue. Les victimes, dans cette localité au relief accidenté, seraient au nombre de vingt, trente, peut-être plus, raconte la mémoire collective. « Les zones montagneuses doivent être sécurisées tout autour pour mettre en confiance la population, la prémunir contre les incursions terroristes et favoriser le retour progressif des citoyens vers leurs douars », a relevé un élu qui a requis l'anonymat. « Le projet de faire de Hamala un grand carrefour de transit par l'ouverture d'un axe desservant, d'un côté, Skikda via Habacha, et de l'autre, Aghbala (la plus proche localité de la wilaya de Jijel après Djebel M'cid Aïssa), est susceptible de briser l'enclavement oppressant qui lamine la région et redonner espoir aux riverains », a tenu à souligner le P/APC. Selon ce dernier, l'initiative, qui aurait arraché l'accord de principe du premier magistrat de la wilaya, aura valeur de véritable planche de salut qui ne manquera pas d'enclencher une prometteuse dynamique au triple plan social, économique et sécuritaire.