Mariem Hamidat est scénariste de télévision, réalisatrice et productrice. Née en France, elle n'a pas oublié ses racines algériennes. Elle écrit pour « Plus belle la vie » sur France 3, et en est déjà à 1 000 épisodes, menant, en parallèle, ses projets de documentaires de mémoire sur l'Algérie. En outre, elle a produit et réalisé « Mémoires du 8 Mai 1945 », prix du meilleur documentaire 2008 au Panorama d'Alger. Elle prépare actuellement un documentaire sur les camps d'internement d'Algériens en France de 1957 à 1962 et un autre sur le Sraoui Qu'est-ce qui vous a amené au choix du 8 Mai 1945 ? J'ai fait ce film parce que les enfants d'immigrés algériens, nés en France, comme moi, ne savent rien ou presque de l'histoire de leurs parents, de l'Histoire de l'Algérie sous la colonisation. Et la terrible répression de 1945 dans la région de Sétif est un exemple emblématique de la violence du régime d'apartheid subi par les Algériens. Ce film est une coproduction franco-algérienne. Il est soutenu par Alger capitale de la culture arabe 2007, aussi bien que par la CNC et TVRennes35. Dans quelles conditions avez-vous tourné en Algérie ? D'abord pour la préparation de ce film, j'ai reçu une aide formidable aussi bien de Mme Yahi chef de cabinet de la ministre de la Culture que de M.Djeghloul, conseiller auprès du président de la République, M. Boumaâza de la fondation du 8 Mai 1945, M. Bédoui, le wali de Sétif, mais aussi une foule de personnes anonymes, de Sétif à Melbou, qui m'ont aidée à retrouver des témoins, à organiser le tournage… Tous, tous ont apporté aide et soutien à la petite réalisatrice que je suis. Et je leur suis infiniment reconnaissante. Ensuite, quand j'ai annoncé en France que je partais en tournage pour 4 semaines en Algérie, dans des coins de campagne reculés, on m'a regardée comme si j'étais folle. « Danger », « terrorisme », « empêchements », « censure »sont les mots qui revenaient sans cesse. Je répondais : documentaire, mémoire, devoir. J'ai emmené avec moi François Néméta à l'image, et Jean-Christophe Girard au son. Ensemble nous avons parcouru des centaines de kilomètres pendant un mois, tourné du matin au soir dans des villages retirés aussi bien qu'en ville… Et jamais nous n'avons ressenti la moindre hostilité. Les témoins nous ont reçus comme des membres de leur famille, et après chaque tournage, le café et les gâteaux, voire le couscous nous étaient offerts… Mon équipe était sidérée par l'accueil merveilleux de ces femmes et ces hommes, pourtant marqués par la colonisation et la révolution. En somme, ce fut un tournage de rêve. Je me suis sentie plus que jamais une bent bled et une staïfia fière et heureuse de travailler ici. Quelle a été à la diffusion du film, la réaction du public aussi bien algérien que français ? A Sétif le 7 mai, ce fut un bonheur. La salle a réagi vivement, applaudi… J'avais un trac monstrueux. Montrer ce film ici, à Sétif, ville martyre et ma ville, la ville de mon enfance, de ma famille…c'était une véritable épreuve. L'accueil a été si positif, si enthousiaste que j'en garde un souvenir très ému. En France, l'accueil est formidable. L'émotion est forte et les larmes coulent à la fin. Ils sont si nombreux ceux qui ne connaissaient rien de cette histoire avant de voir notre film. A Sétif de nouveau, dans le cadre du premier festival du documentaire de mémoire, le 25 mai prochain à 10h 30, le film sera projeté en présence des témoins interviewés. J'espère être là. Un commentaire à propos de la distinction de mars dernier … Notre documentaire n'est pas une œuvre froide, fixant une distance entre le spectateur et les victimes du massacre ayant, en dépit de l'âge, témoigné avec une mémoire nette. Ce paramètre est sans nul doute à l'origine du prix du meilleur documentaire décroché en mars dernier, au panorama du film à Alger où 72 documentaires étaient en compétition. Peut-on avoir une idée sur vos projets futurs ? J'ai de nouveaux projets de documentaires, dont l'un sur les camps d'internement d'Algériens en métropole de 1957 à 1962, et l'autre sur le Sraoui. Nous avons donc créé une société de production à Sétif afin de poursuivre ce travail de mémoire et de culture à partager entre l'Algérie et la France. Là aussi, on entend des voix pleines d'appréhension : tu vas donc vraiment travailler en Algérie ? N'est-ce pas compliqué ? Ne va-t-on pas te mettre les bâtons dans les roues ? Tu es une femme ! Une binationale ! D'abord, d'autres avant moi ont tracé cette route, et je n'ai fait que suivre. Mais j'espère faire taire les Cassandre par d'autres résultats aussi heureux que « Mémoires du 8 Mai 1945 ».