Trépas brutal du réalisateur, scénariste et producteur sénégalais Mahama Johnson Traoré à Paris, à l'âge de 68 ans. Le cinéaste qui était présent à Alger en tant que membre du jury d'une commission d'aide à la coproduction engagée par le ministère algérien de la Culture dans le cadre du PANAF 2009, était sur un chantier filmique algéro-sénégalais. Lors de son séjour à Alger l'été dernier, nos responsables l'avaient sollicité pour la coproduction d'un film sur le combat de la femme africaine soutenu par l'Algérie. Ironie du sort, le cinéaste qui comptait apporter à travers ce film sa contribution dans la lutte des femmes, a trépassé un 08 mars. Il était en plein chantier de réalisation, avec le producteur-réalisateur algérien Boualem Aïssaoui, du long métrage intitulé "Nder ou les flammes de l'honneur", un des projets de films africains retenu parmi les huit autres dont deux sénégalais. Le tournage devait se dérouler dans le nord du Sénégal. Membre fondateur du Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco), la dépouille mortelle de Mahama Johnson Traoré arrive aujourd'hui à Dakar par un vol de la compagnie Air France, a appris l'Agence de Presse sénégalaise auprès de la famille. La famille n'a pas précisé le jour de l'inhumation, mais selon le quotidien Le Soleil elle souhaiterait qu'elle se déroule demain au cimetière musulman de Yoff. L'an dernier, lors de son passage à Alger, le cinéaste voulait pour la première fois explorer à travers NDER, un terreau historique. Ce film porte sur des fait réels : les femmes de Nder au Sénégal qui se sont immolées par le feu en novembre 1819, pour ne pas être réduites en esclavage par des flibustiers maures, en l'absence des hommes de la localité. Cette épisode de l'histoire du Sénégal est connue sous le nom de TALAATAY NDER ("le mardi de Nder", en langue wolove); le drame s'étant produit un mardi soir. Le scénario est écrit par lui et Mariem Hamidat (Algérienne). Mariem Hamidat a notamment réalisé Mémoires du 08 mai 1945 (Algérie, 2007), sur les massacres de l'armée coloniale française contre le peuple algérien, en pleine célébration de la libération de la France. Mahama Johnson Traoré est né en 1942 à Dakar. Son père, chef d'entreprise, après lui avoir fait faire des études au Sénégal et au Mali, le destine à une carrière d'ingénieur électronicien. La révélation du cinéaste Dans ce but, il l'envoie en France et c'est dans un cours de travaux pratiques animé par un professionnel du cinéma que Mahama Johnson Traoré a la "révélation". Il veut non pas enregistrer les comédiens mais les mettre en scène et réaliser des films. Il s'inscrit aussitôt au Conservatoire indépendant du cinéma français, puis parachève ses notions théoriques par des stages à l'ORTF et dans des équipes cinématographiques italiennes et allemandes. En 1968, il réalise son premier film, Diankha-bi , un moyen métrage en noir et blanc sur la situation de la femme au Sénégal. Le film obtiendra le grand prix du festival de Dinar. Son deuxième film en 1970 reste fidèle à son thème de prédilection : la femme. Diegue-bi met en scène un haut fonctionnaire qui, pour conquérir le cœur d'une courtisane, n'hésite pas à détourner les fonds de l'Etat. Le film remporta un énorme succès à Dakar. Mais Traoré ne veut pas se cantonner dans un seul thème. Sa priorité est alors de faire des films sociaux et politiques pour amener le public africain à prendre conscience des problèmes primordiaux du continent. Lambaay, Reou-takh et Njangaan appartiennent à cette période d'engagement du fougueux cinéaste qui dira d'ailleurs à Cannes "Nous sommes à Cannes pour montrer nos films, pour montrer la réalité, les réalités de notre continent", à lors d'un discours de soutien au film "Nous les sans-papiers de France", projeté dans le cadre du festival en 1997. Parmi ses films, il y a , ''Diègue-Bi'' (1970), ''Lambaay'' (1972), ''Reou-taax'' (1972), ''Garga Mbossé'' (1975), ''Njangaan'' (1975), ''Sarax si'' (1983). Mahama Johnson Traoré est membre fondateur de la Semaine du cinéma devenue Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO). Lors de la 21-ème édition de cette manifestation (février-mars 2009), il avait été élevé, par le gouvernement burkinabé, au rang de Chevalier de l'Ordre des arts, des lettres et de la communication du Burkina Faso.