Les Beyrouthis passent les nuits les plus calmes depuis la récente « bataille de Beyrouth » entre opposition et majorité. Beyrouth. De notre envoyé spécial « C'est aussi parce que tous les leaders libanais sont loin d'ici », ironise un habitant de Hamra, l'artère centrale de Beyrouth-Ouest, voguant sur une chanson à succès ici au Liban : Les leaders ont quitté le Liban et notre vie est devenue comme au paradis. Treize chefs de file sont au Qatar pour renouer un dialogue suspendu depuis près de 18 mois. Mais aux dernières nouvelles en provenance de Doha, les parties libanaises peinent à trouver un consensus autour des points à l'ordre du jour des discordes. Pas d'accord encore sur la composition du prochain gouvernement ni sur la révision de la loi électorale avec en plus la question de l'armement du Hezbollah qui envenime les discussions malgré les efforts polis de l'émir qatari qui organise, en marge des séances générales, des apartés avec les uns et les autres au Sheraton de Doha. Doha qui a connu sa première coupure électrique depuis vingt ans lors de l'arrivée des délégations libanaises vendredi dernier. « Mauvais présage », commente-t-on à Beyrouth. Mais il n'en fallait pas tant pour être pessimiste. Si la question de l'élection du président de la République en la personne du chef de l'armée, le général Michel Sleimane, peut se régler dans les prochains jours, selon le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, et des sources ici à Beyrouth, il n'en demeure pas moins que les désaccords entre opposition et majorité se renforcent. Coûte que coûte, une partie de la majorité insiste à inscrire la question des armes du Hezbollah dans l'ordre du jour de Doha. Le Qatar a donc proposé un compromis pour débloquer la situation : Doha se charge ainsi d'élaborer un document sur le « renforcement de l'Etat », mais sans évoquer directement l'arsenal du Hezbollah, en se contentant de « points de principe », pour reprendre le ministre libanais, Tarek Metri, de la majorité, concernant l'engagement des parties libanaises de s'interdire l'usage de la force pour régler les différends politiques. Ce compromis délègue au président élu le soin de superviser le dialogue autour de l'arsenal du Hezbollah, qui constitue une ligne rouge pour ce parti. Ce dernier a pour sa part conditionné la non-remise en cause de son l'arsenal avec son agrément concernant la question de l'utilisation des armes dans les différends politiques. Chef de la délégation du Hezbollah présente à Doha, le député Mohamed Raâd, également président du groupe parlementaire du Hezbollah, a indiqué : « Notre opposition a toujours été politique et nous ne l'avons changée que lorsqu'on a touché à l'armement de la résistance », faisant allusion aux décisions du gouvernement, annulées par la suite, qui ont provoqués le coup de force du Hezbollah à Beyrouth. Le Hezbollah s'indigne du fait que le gouvernement de la majorité ait tenté d'enquêter sur son réseau de télécommunications, alors qu'Israël n'a pu vaincre le Hezbollah durant l'agression contre le Liban l'été 2006, avance-t-on, parce que, notamment, ses frappes n'ont pas eu raison de son réseau de télécommunications, selon le rapport du juge israélien Vinograd sur les ratés de la guerre de 2006. « Même avant la crise déclenchée suite à l'assassinat de Rafic Hariri (en février 2005), la question de l'armement était posée – résolution onusienne 1559 en 2004 portant notamment « désarmement et dissolution de toutes les milices » – donc ce n'est pas une nouvelle problématique », explique Amin, sympathisant de l'opposition. A ses yeux, « le dernier coup de force du Hezbollah était certes préparé, il n'a choisi que le timing provoqué suite aux décisions du gouvernement. En plus, le Hezbollah en avait assez de voir ses militants se faire tirer dessus lors des manifestations. En un coup, il a fait valoir ses arguments et a montré qu'il pouvait imposer s'il le voulait ses conditions s'il n'est pas intégré dans le gouvernement ». « Il fallait que le Hezbolah montre son intransigeance sur la question de l'armement, pour le reste, on peut discuter », résume un proche du parti de Nasrallah, ajoutant que le Hezbollah « ne veut pas du pouvoir comme une fin en soi, mais juste des garanties solides pour protéger la résistance ». Du côté de la majorité, le député Samir Frangié se demande pourquoi le Hezbollah insiste sur le « tiers bloquant » au sein du gouvernement alors qu'il peut bloquer quand il veut. « Est-ce que quelqu'un pourrait m'expliquer comment concilier la nécessité de développer l'économie d'un pays qui dépend des placements financiers et du tourisme et la résistance ? », s'emporte Paul, étudiant en économie. « A chaque fois que le Hezb s'agace, il ferme l'aéroport, le port et les routes et menace avec ses armes », fulmine-t-il. « OK, ils ne veulent pas dialoguer sous la menace des armes du Hezbollah, pourtant ils ne sont pas gênés pour les canons du destroyer américain USS-Cole mouillant au large face à Beyrouth ! », lance Amin.