Le nouveau président libanais, Michel Sleimane, élu dimanche dernier à ce poste, a pris ses fonctions lundi, première étape d'une remise en marche du pays après 18 mois de crise politique et des violences meurtrières. Le Liban a donc un chef de l'Etat, mais le plus dur est à venir, estime-t-on dans les milieux politiques libanais ainsi qu'au sein de l'opinion, car en fin de compte, l'opposition bloquait depuis le 23 novembre dernier cette consultation, mettant en avant des revendications, celles-la mêmes qu'elle défend depuis décembre 2006 et que la majorité parlementaire a rejetées avec la même constance. Il s'agit principalement de la minorité de blocage au sein d'un gouvernement d'union nationale. L'obstacle a pu être levé à travers les accords interlibanais de Doha de vendredi dernier, mais il n'y a pas que cela, et cette semaine sera aussi marquée par la désignation d'un nouveau cabinet. M. Sleimane doit lancer aujourd'hui les consultations pour la formation d'un gouvernement d'union nationale, selon une source à la présidence. La composition du nouveau gouvernement devrait être conforme à l'accord de Doha qui donne à l'opposition une minorité de blocage, avec 11 ministres sur 30. Pour l'instant, les seuls noms à être évoqués pour le poste de Premier ministre sont ceux de Fouad Siniora et de Saâd Hariri, chef du Courant du futur, le principal bloc de la majorité, et fils du Premier ministre assassiné en 2005, Rafic Hariri. Plus globalement, le tout nouveau président, ancien commandant en chef de l'armée depuis 1998, aura pour lourde tâche d'amorcer la réconciliation entre deux camps profondément divisés : la majorité et l'opposition, qui a le Hezbollah pour être chef de file, mais sans plus. « Unissons-nous et travaillons en vue d'une solide réconciliation. Nous avons payé cher notre unité nationale. Préservons-la, la main dans la main », a dit M. Sleimane dans son discours d'investiture. Il a salué le rôle de la « résistance », référence au Hezbollah, dans la lutte contre Israël, mais a averti que ce parti ne devait pas « tirer profit de ses succès pour les utiliser dans des conflits internes ». Le président Sleimane a aussi souhaité l'établissement de relations diplomatiques avec la Syrie et la mise en place d'une stratégie de défense contre les violations par Israël du territoire libanais. La classe politique, majorité comme opposition, a salué un discours « réaliste » qui a touché à tous les problèmes importants et aux revendications de tous. En ce qui concerne le processus de paix adopté à Doha, cette élection amorce, ou du moins est censée amorcer, la relance des institutions du pays, miné par la crise, politique et institutionnelle, elle-même aggravée par les récentes violences et par la série d'attentats qui ont visé depuis 2004 différentes personnalités libanaises au nombre desquelles l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Mais le nouveau président a prévenu qu'il ne pourrait assurer seul la sécurité du Liban. « La sécurité ne peut être gagnée par la force, mais à travers une volonté politique. Un seul parti ne peut seul construire le pays », déclarait-il avant son élection. Les Libanais souhaitent voir s'instaurer dans leur pays une réelle démocratie et non pas le partage du pouvoir entre les différentes communautés. Rien sur ce plan ne semble avoir bougé, car cela aurait conduit à frapper de caducité le fameux Pacte national de 1943, un accord non écrit sur le partage du pouvoir. C'est la remise en cause du statu quo au sein même de ce cadre. Par les armes, l'opposition, qui comprend aussi des chrétiens, ce que certains ont tendance à occulter, a eu gain de cause sur sa principale revendication, une minorité de blocage dans le futur gouvernement. Elle occupera 11 portefeuilles sur 30 et pourra user de ce droit de veto sur des décisions graves, comme celles relatives à la sécurité de l'Etat. Autant de questions sur lesquelles planchera le nouveau président. Une espèce de feuille de route qu'il trouve en guise de programme. Et la bataille ne fait que commencer. Les consultations commenceront alors pour former le gouvernement qui mènera le pays vers les élections générales du printemps 2009. Là est l'autre enjeu, certainement le plus important depuis que le centre du pouvoir au Liban a connu un glissement pour se retrouver entre les mains du gouvernement.