Le projet de l'Union pour la Méditerranée risque de subir le même revers que le processus de Barcelone s'il ne tient pas compte des aspirations des peuples et des sociétés. « Il ne faut pas que ce soit une union pour les requins de la Méditerranée », déclare le président du FFS, Hocine Aït Ahmed, dans une interview diffusée hier par la chaîne franco-marocaine, Médi1 Sat. S'exprimant pour la première fois sur cette question, le leader du vieux parti de l'opposition met en garde contre l'exclusion des populations dans ce genre de projet qui est inévitablement synonyme d'échec. Tout dépend si cette union tient compte des peuples et des sociétés. Je n'ai jamais entendu une déclaration par exemple sur les droits de l'homme. L'échec du processus de Barcelone est dû à quoi ? Il est dû à l'exclusion des peuples et des sociétés. Pour réussir, il faut en faire (les sociétés) la véritable dynamique », soutient-il. Mais pour Hocine Aït Ahmed, les pays du Maghreb « n'ont pas besoin de l'Union pour la Méditerranée pour réaliser leur rapprochement ». « Nous n'avons pas besoin de rapprochement, nous sommes vraiment un même peuple », lance-t-il, en exprimant « sa grande colère » et son « énorme frustration » de voir, des années après les indépendances, que « l'Union du Maghreb (UMA) » n'arrive pas à se réaliser. « Les peuples du Maghreb étaient intimement unis sous l'oppression coloniale, non seulement dans la résistance armée, mais aussi dans les combats syndicalistes. Nous étions un seul et même peuple. Des décennies sont passées et les rêves d'unification démocratiques des peuples du Maghreb ne sont pas encore réalisés », déplore-t-il. Rappelant ses positions antérieures, Hocine Aït Ahmed affirme que l'unité des Maghrébins ne se concrétisera qu'à la faveur des réalisations économiques communes. « Si nous parvenons à cela, la question des frontières avec le Maroc comme avec la Tunisie deviendra futile et nous donnerons à nos peuples les objectifs de construction et de lutte commune », souligne-t-il. L'orateur appelle, dans ce sens, à la mise en place d'instances maghrébines, comme « un Parlement élu au suffrage universel, un conseil économique, social et culturel ainsi qu'une cour des droits de l'homme ». Evoquant la question du conflit sahraoui, qui freine encore l'avènement de l'UMA, Hocine Aït Ahmed se dit convaincu qu'il y a possibilité de dépasser ces tiraillements. « Je ne m'y résoudrai jamais. Nos pays ne sont pas condamnés à se regarder comme des chiens de faïence. C'est vraiment une trahison de notre histoire et de nos valeurs », dit-il. Il critique, dans la foulée, les positions des deux pays. « Il faut choisir les problèmes les plus fondamentaux. L'heure est la construction de l'avenir de nos enfants et non pas à la course aux armements », tranche-t-il. La meilleure manière de dépasser les clivages est, selon lui, de créer une dynamique dans la société civile et de faire en sorte que celle-ci devienne le garant d'une alternative démocratique. Rappelant la nécessité d'instaurer des Etats de droit et une bonne gouvernance, Hocine Aït Ahmed n'a pas manqué l'occasion pour critiquer le gouvernement algérien. « On est loin, notamment dans mon pays où une grande majorité de la population se disloque, exclue de toute retombée de la manne pétrolière ou gazière. Je crois qu'un régime qui repose sur la violence et la prédation a peu de chances de créer avec ses voisins les liens qui n'a pas su ou voulu établir avec sa propre population », enchaîne-t-il, en réitérant sa position favorable à la libre circulation des personnes entre les pays du Maghreb.