A l'approche de l'annonce officielle de la création d'une union pour la Méditerranée (UPM), le projet reste toujours otage de zones d'ombre que les pays du Sud appréhendent tel un champ de mines à emprunter avec des pas mesurés et très prudents. La rencontre, vendredi à Alger, des ministres des Affaires étrangères des pays du forum méditerranéen, qui n'a pas un pouvoir décisionnel, a eu pour mérite de mettre sur la table des discussions les préoccupations des uns et des autres convives de Nicolas Sarkozy à la grande cérémonie d'accouchement final du projet de l'UPM le 13 juillet prochain. La sphère géographique qui a motivé le recours à une telle initiative s'avère être la même cause de dissensions et de réserves émises par les pays du Sud. Si l'adhésion d'Israël à l'UPM et le mécanisme de sa mise en œuvre donnent matière à contrariété aux pays arabes qui n'entretiennent pas de relations diplomatiques avec l'Etat hébreu comme l'Algérie, il se trouve que même le partage des responsabilités au sein des instances de l'UPM est aussi l'objet de désaccords ne pouvant être dissipé qu'à mesure de concessions. Mais qui des pays membres va accepter de faire des concessions et pour qui ? L'heure aujourd'hui semble être plutôt orientée vers les opérations de lobbying et d'intercessions pour faire avancer des candidatures au détriment d'autres. Si dans le cas du malaise face à la présence israélienne, la réponse peut être trouvée dans les dispositions du processus de Barcelone qui avait évité d'imposer la normalisation en condition d'adhésion, comme souligné par le ministre algérien des Affaires étrangères à l'issue de la 15e conférence des MAE méditerranéens, le concept de coresponsabilité dans la mise en marche de l'UPM demeure otage des ambitions des un et des autres. L'Egypte, le Maroc et la Tunisie se sont déjà placés dans la course à l'heure où les autres pays du Sud, à l'image de l'Algérie, attendent de voir ce qu'on peut bien leur offrir. L'Algérie, qui a dès le début aussi bien salué le projet d'union et émis des réserves à la fois quant à sa conception, semble avoir laissé un terrain vierge à la diplomatie plus entreprenante des autres pays du nord de l'Afrique. Aujourd'hui, le fait de demander d'autres « clarifications » sur la démarche unificatrice de la Méditerranée reflète l'exigence de mettre sur table et dans la clarté toutes les tractations bilatérales entreprises par la France initiatrice du projet avec certains pays de la région. L'état des relations avec Israël est, semble-t-il, un facteur encourageant ou aggravant. Enfin, cela dépend du pays (du Sud) qui siégera au niveau des plus hautes instances de l'union. M. Medelci n'hésite pas à parler de « craintes des pays du Sud » relatives à l'idée d'hégémonie du Nord. La coprésidence de l'UPM, le partage de responsabilités au niveau du secrétariat général et au niveau des commissions des ambassadeurs sont présentés comme la garantie d'une égalité de rôle et de responsabilité. La question qui reste toutefois à poser est de savoir quel rôle pour qui ? Comment se fera le choix des pays qui siégeront au niveau des instances de l'UPM ? La démarche d'unification des deux rives de la Méditerranée n'est pas encore « claire » et les pays du sud n'arrivent pas à se retrouver dans un nouvel espace d'échange où les règles du jeu sont entre les mains des seuls puissants. M. Medelci a annoncé d'ailleurs que des consultations seront initiées entre les pays du Sud, notamment entre les pays du Maghreb et les pays arabes, afin d'arriver à avoir une position commune à présenter à la veille du sommet de Paris. Y arriveront-ils ? En tout cas, c'est la condition de réussite de toute union viable où bonne volonté rimera avec intérêts partagés. Le processus de Barcelone n'a pas fait long feu à cause de l'unilatéralité des positions. Serait-ce le cas pour l'UPM ? Sarkozy est appelé à être plus explicite.