La biographie de Hamida Ben Sadia est juste, digne, honnête. La militante des droits humains raconte dans Itinéraire d'une femme française (Bourin éditeur, 2008) ses engagements, sa vie familiale éclatée, son combat pour la dignité et la liberté. C'est le livre d'une mère, d'une militante, d'une utopiste, d'une femme. Peut-on survivre à un malheur ? Plutôt comment survit-on à une succession de malheurs ? En continuant à se battre, à résister, répond Hamida Ben Sadia. Où puiser ses ressources devant l'accumulation d'accidents de la vie ? Enfance heureuse, adolescence rebelle, puis un mariage arrangé, une vie de couple infernale, immigrée des deux côtés de la Méditerranée puis citoyenne, Hamida Ben Sadia décide de prendre à bras-le-corps sa vie. Jusqu'à ses 16 ans, elle était plutôt une jeune fille sage, choyée par des parents très éloignés de la religiosité. Première fille de sa famille, elle découvre à son adolescence que son statut pose problème. Que la culture de ses parents entretient des rapports pudiques avec le corps féminin. Qu'une femme ne l'est entièrement qu'à son mariage, avec un gars de chez nous. A 16 ans, elle se retrouve en vacances en Algérie et assiste à son mariage en étrangère. Descente aux enfers pendant treize ans. Là où une autre personne aurait renoncé, porter le hidjab non par conviction mais pour se fondre dans la foule, Hamida Ben Sadia, elle, trouve au contraire un moyen pour se révolter. Elle décide de tout dire, même l'anecdote sur l'histoire de sa virginité lors de sa nuit de noces. Un heureux hasard au milieu d'un océan de tristesse. « J'habitais Bab El Oued, l'un des quartiers les plus défavorisés de la capitale. J'ai vu mes voisins, et les jeunes des environs devenir islamistes. Mais quand on sait le mépris dans lequel nous tenait l'Etat parce que nous étions pauvres, comment s'étonner que des garçons sans avenir se laissent tenter par l'extrémisme ? » Elle décide de quitter son appartement où elle y était cloîtrée. Plus de concessions. De son livre Itinéraire d'une femme française, on ne sent pas un désir de revanche, d'envie de régler des comptes. C'est l'histoire d'une femme aujourd'hui apaisée, qui s'est opposée avec force aux traditions, a réussi à imposer un divorce à son mari, puis est revenue en France en étant obligée d'abandonner ses enfants. Elle finira par les retrouver après s'être battue avec l'énergie d'une mère et la force de la militante politique et associative qu'elle est devenue. Comment une femme, malmenée par la vie, qui a quitté un Bab El Oued à la pilosité dangereuse, se retrouve-t-elle candidate à la députation en France ? En refusant la soumission, en militant. Après son divorce, elle s'engage totalement dans la politique. Elle adhère au Front des forces socialistes (FFS). Elle croit à la parenthèse démocratique qui s'ouvrait en Algérie, avant le retour brutal de l'autoritarisme. Son retour en France est aussi un acte militant, elle se lance dans le mouvement associatif, puis dans la vie politique (sans le pouvoir). Imprévisible, elle a surpris tout le monde en étant contre la loi sur le port du voile à l'école, suscitant des rancœurs parmi certaines féministes. « Je suis contre la loi interdisant l'école à des filles portant un foulard sur la tête, car ce ne sont pas des objets, il y a des êtres humains sous les foulards. Je considère que la laïcité, c'est le respect de la neutralité pour le corps enseignant, les lieux et les livres d'enseignement. Jamais la laïcité n'a obligé les élèves à faire preuve de neutralité. Par contre, tous les élèves se doivent de respecter le règlement intérieur et de participer à tous les cours, sans exclusive », a-t-elle expliqué. Hamida Ben Sadia n'est pas tombée dans la facilité, dans le discours à la mode de ce côté de la Méditerranée qui consiste à dénigrer systématiquement l'Islam et les pays musulmans, nécessairement rétrogrades. Elle a su trouver le juste ton pour se raconter, pour raconter sa France et son Algérie.