L'endroit en a juste l'apparence : le cimetière de Beni Messous est à l'abandon et à chaque fois que les proches des défunts y vont pour se recueillir, c'est tout compte fait le même rituel : pleurs sur les tombes des disparus, mais aussi sur la situation dans laquelle se trouve l'endroit. Le cimetière Aïssat Idir, situé en contrebas de la route principale de la commune, n'en finit pas avec les problèmes. Les responsables de l'APC, auxquels échoit l'entretien de cet endroit sacré, ne se soucient guère de sa situation, « s'ils ne participent pas eux-mêmes, insistent des visiteurs et des riverains des quartiers alentour, à sa dégradation ». Le cimetière, aménagé à flanc de colline, s'est greffé sur celui déjà existant, saturé depuis quelque temps. La muraille les séparant a été détruite, on aurait dit des « vestiges romains ». Il en subsiste toujours des traces. C'est au lendemain des intempéries de Bab El Oued, qu'a été aménagé cet endroit. Depuis l'ouverture de cette partie, rares sont les initiatives prises par les autorités locales. Les rares arbres plantés ont vite été « repris » par les services de l'Apc de Beni Messous. « C'est moi-même qui a planté des arbres autour des tombes de mon mari et celle de mon père et que j'entretiens tous les jours. Le geste fait par beaucoup d'autres ne peut remplacer un engagement de la collectivité », soutient une visiteuse qui désespère de voir la situation changer, en montrant du doigt des cyprès plantés par ses soins. Mis à part le grillage acheté là aussi par un bienfaiteur et qui a disparu par endroits, rien n'a été fait pour délimiter l'espace laissé aux quatre vents. « Il a fallu attendre un particulier pour voir cet espace préservé. Même l'eau, on n'en trouve pas. Après bien des tracas, la seule citerne, elle, a fait l'objet d'un don de la part de la même personne qui a également donné le grillage, et c'est tout le monde qui s'en approvisionne », rappelle notre interlocutrice en assurant que pour les besoins de la tombe, les particuliers ramènent le nécessaire de l'école voisine ou louent carrément les services d'un maçon. Pis encore, aucune des « allées » existantes n'a été aménagée et là aussi, c'est un particulier qui a fait don du gravier. « Par mauvais temps, les gens préfèrent enlever leurs chaussures ; l'endroit se transforme avec les chutes de pluie en grands cloaques. D'autres entrées ne seraient pas de trop », insiste une visiteuse venue d'El Biar. Des tessons et autres bouteilles en platique se trouvent en quantité dans tout l'espace envahi par les herbes sauvages jamais coupées. A terme, l'endroit deviendra un « maquis » et connaîtra le même sort que beaucoup d'autres cimetières abandonnés par les APC qui sont censées les prendre en charge. Les quelques travailleurs engagés par l'APC souffrent aussi de cette situation. « Ils ne sont que trois à s'occuper du cimetière : le gardien et deux fossoyeurs qui trouvent toutes les peines du monde à tenir le coup », affirme-t-on. « Il ne faut pas attendre une réaction des autorités locales qui ne prennent en compte que leurs intérêts. Certains sont toujours en délicatesse avec la justice et la rumeur court toujours dans cette partie de la capitale ». Les vivants ne sont pas dans les grâces des « décideurs » locaux, les morts non plus. « Qui s'en soucierait ? Ce n'est certainement pas l'APC de Beni Messous dont le personnel a d'autres affaires », assure un riverain qui affirme que les résidants du quartier voisin désespèrent de voir leurs routes goudronnées, alors que le quartier existe depuis 1947. A l'APC de Beni Messous, c'est le silence radio.