Alors que le système immunitaire qui a la redoutable tâche de veiller à l'unicité et à l'intégrité de chaque être vivant, en ce sens que chacun ne constitue qu'un seul et unique individu à nul autre pareil, il se trouve que depuis la découverte des groupes sanguins, les transferts entre individus du même groupe auront transgressé la loi fondamentale, ouvrant ainsi la voie à tous les sauvetages possibles. Tous les hommes possédant le même groupe peuvent s'échanger sans interruption des quantités appréciables de leurs sangs respectifs. Puis, l'homme moderne inventa les banques du sang. Ce qui ouvrira enfin les espaces interculturels et interreligieux que des siècles d'obscurantisme et de racisme avaient vigoureusement érigés entre les humains. Mais voilà que toute banque ne survit que grâce aux liquidités que viennent y déposer les citoyens de toutes conditions sociales et de toute obédience. Le matin, lorsque vous vous présentez au guichet pour retirer votre paye, c'est toujours l'argent des autres que vous emportez dans vos poches. Le système est tellement fluide que plus personne ne prête attention à la provenance de l'argent. Il arrive qu'un simple et bon croyant reparte avec de l'argent qu'un criminel venait à peine de déposer, il ne viendrait à l'esprit de personne de s'enquérir de la provenance du liquide car dès qu'il est déposé, il devient soudain un bien partagé. Le système fonctionne si bien qu'il a été appliqué au don du sang. Pas le mauvais, celui qui fait monter la pression, mais le bon, celui qui sauve d'une mort certaine. Le riche peut profiter du sang du pauvre, un laïc peut bénéficier de celui d'un érudit, un noir offre volontiers son sang à un asiatique bouddhiste. Jusqu'au jour où par un retour d'égocentrisme primaire, les liquidités vinrent à manquer. Les banques du sang finiront par s'appauvrir, si bien que le recours à la tribu deviendra incontournable. Mais alors que les banques à fric sont essentiellement approvisionnées grâce aux dépôts des riches, pour les banque du sang, d'aucuns soutiennent qu'elles sont majoritairement alimentées par celui des plus démunis. Pourtant, face à la nécessité, même les riches peuvent en profiter. Ce qui est encore humainement recevable. Qu'adviendra-t-il lorsque les pauvres créeront une banque pour les pauvres ? Les riches viendraient y faire leurs courses. Ils en ont les moyens. Sauf si les donneurs se donnent le mot pour ne plus donner. Le système implosera fatalement. On voit bien que l'entêtement lorsqu'il se généralise crée la pénurie. Pourtant, il suffit d'un simple geste pour sauver l'humanité. C'est cet acte que les médecins des centres de transfusion désespèrent d'attendre. A quand une ruée des riches pour soulager ces frères de sang ?