Non loin de Mila, capitale nationale du grain de couscous, le fameux M'haouer, il est un hameau situé au sud de la wilaya, qui se pose, non sans fierté, en capitale de la « gassaâ », l'ustensile traditionnel sans lequel le plat national ne serait pas ce qu'il a toujours été. A Draâ Ettabal, car c'est de cette petite localité qu'il s'agit, la fabrication de ce grand plat arrondi, en bois, très ancien mais toujours en usage, demeure quasiment l'unique ressource des quelque 1400 habitants de ce village de la commune de Aïn Melouk. Ce fait, plutôt singulier, est à rechercher dans l'origine de ce village fondé en 1958 par des « réfugiés » provenant de la wilaya voisine de Jijel, lesquels, fuyant les bombardements de leurs villages pendant la guerre de Libération, se sont installés là, apportant avec eux ce petit métier qui consiste à fabriquer des plats à bord relevé pour rouler le couscous. Transmis de père en fils, ce métier artisanal est devenu la spécialité du village, au point où les responsables de l'artisanat de la wilaya ont été amenés à lancer les démarches en vue de classer cette activité comme système de production locale afin de lui ouvrir la possibilité de bénéficier des aides prévues dans ce cadre. Petit, mais pas banal, ce métier requiert un certain savoir-faire et aussi une bonne connaissance du bois, son matériau de base. Car de la qualité du bois et de son traitement dépendent la qualité et la solidité du produit final qui peut être en bois de frêne, de pin, d'eucalyptus, de chêne ou encore de noyer. Toutes ces essences n'étant pas disponibles localement, les artisans se donnent la peine de s'approvisionner d'aussi loin que Tipaza, Jijel, Sétif ou Skikda, affirme le directeur de la PME et de l'artisanat, et fait savoir que le village de Draâ Ettabal compte 65 ateliers de fabrication de gassaâte (pluriel de gassaâ) qui emploient quelque 400 artisans. La fabrication de la gassaâ, qui s'opérait entièrement à la main à partir d'un gros morceau de tronc d'arbre, se fait aujourd'hui avec l'aide d'outils et de machines électriques modernes, comme ceux que viennent d'acquérir une dizaine de jeunes du village pour une valeur de 100 000 DA, provenant du fonds de soutien à la promotion de l'artisanat. Pour « arrondir leurs fins de mois », les artisans de la gassaâ complètent leur activité par la production de produits subsidiaires en bois, comme les cageots de fruits et légumes, les palettes de chargement pour les ports, les manches de pelles et pioches et autres pieds de meïdate (tables basses) et petites pièces de menuiserie. Devenue un élément essentiel du Salon du couscous et des pâtes traditionnelles, qui se tient chaque année à Mila, et dont l'ouverture de l'édition 2008 (30 juin - 2 juillet) a eu lieu lundi, la gassaâ de Draâ Ettabal perpétue une tradition populaire dont les origines remontent loin dans le temps. En plus de sa fonction pratique d'ustensile, sans lequel le couscous « perd en goût et en charme », — les connaisseurs sont, sur ce point, formels —, la gassaâ revêt aussi un caractère hautement symbolique dans la culture populaire : des femmes groupées autour d'elle, pour rouler le couscous en « poussant la chansonnette », est toujours un moment annonciateur d'événements importants pour toute famille digne de ce statut...