A 73 ans, Leonard Cohen a bercé, il y a quelques jours de sa sombre voix d'or, le public du Festival de jazz de Montreux, l'emportant dans son monde poétique de dandy mélancolique. Il y a longtemps que je ne suis pas revenu sur scène, ça fait environ 14 ans. J'avais 60 ans, je n'étais encore qu'un enfant avec un rêve fou », confie le chanteur canadien en début de concert, un sourire malicieux aux lèvres. Vêtu d'un complet gris et d'un chapeau de feutre assorti, légèrement voûté, il ajoute de sa lente et envoûtante voix de basse : « Depuis, j'ai pris beaucoup de Prozac (anti-depresseur), j'ai aussi étudié la religion et la philosophie, mais la gaieté a pris le-dessus ». Et le chanteur d'entamer It ain't no cure for love, l'un de ses classiques. Pour sa troisième prestation au festival installé sur les bords du lac Léman, après des apparitions en 1976 et 1985, le chanteur a offert près de trois heures de concert à 2800 spectateurs conquis. Revenu à la scène après des déboires financiers et un long séjour dans un monastère bouddhiste entre 1993 et 1999, le chanteur a proposé une intense interprétation de tous les titres qui ont fait sa gloire, Everybody knows, Hallelujah ou Suzanne. Ses mains rassemblées près du micro, le visage baissé pour plus de concentration, ses deux longues rides d'expression qui coulent le long des joues, Leonard Cohen happe ses spectateurs, les hypnotise. « C'est un luxe pour nous d'être ici, dans un endroit comme ici, alors qu'il y a des problèmes partout », confie-t-il au public. « Rendez-moi le mur de Berlin, rendez-moi Staline et St Paul. J'ai vu l'avenir, mon frère : il est crime », chante Leonard Cohen. S'il est sombre sur l'avenir, le compositeur raconte également des amours sensibles et douloureuses. Son velours vocal traînant dans un I'm your man longuement applaudi. Dans ses musiques, il a placé une clarinette, du sirtaki qui renouvellent ses chansons. Face à la salle comble, le poète prend un moment la place du chanteur et raconte un long texte qui parle de baisers et de roses où le kitsch est rendu fascinant grâce à cette voix presque douloureuse. Né à Montréal en 1934, Leonard Cohen a publié des ouvrages de poésie avant de se lancer dans la chanson en 1967, avec un premier album intitulé Songs of Leonard Cohen. En fin de spectacle, le chanteur a fait des saluts prolongés, des retours sur scène avec un plaisir évident de retrouver un public quitté il y a près de quinze ans.