L'armée égyptienne a procédé samedi à des détentions massives et organisé des obsèques solennelles pour un soldat tué, après les affrontements entre manifestants hostiles à l'armée et militaires qui pèsent sur le climat de la présidentielle prévue à la fin du mois. Sur les 320 arrêtées lors des violences de vendredi, le parquet militaire a choisi le placement en détention pour 15 jours pour 179 personnes, dont 13 femmes, selon une source militaire. Après cinq heures d'interrogatoires dans la nuit, les détenus ont été accusés d'agressions contre des soldats et officiers de l'armée, de rassemblement dans une zone militaire et d'entrave au travail des forces armées, selon la même source. Ils ont tous rejeté ces accusations. Le plus haut personnage de l'Etat, le maréchal Hussein Tantaoui, chef du Conseil suprême des forces armées (CSFA), a assisté aux obsèques au Caire d'un soldat tué lors de ces événements, un apparition exceptionnelle qui a donné une solennité particulière à la cérémonie. Samedi, le calme était revenu dans le quartier du ministère de la Défense, en proie la veille à des scènes de chaos puis placé toute la nuit sous un strict couvre-feu. Des blindés et des soldats restaient toutefois déployés dans le secteur. "Assez de sang!", titrait le quotidien gouvernemental al-Akhbar après ces violences largement retransmises en direct par des chaînes de télévision égyptiennes. Pendant des heures, les soldats chargés de protéger les accès au ministère et les manifestants se sont violemment affrontés. Face aux manifestants armés de pierres et de bâtons, les soldats ont répondu par des tirs de chevrotine, des gaz lacrymogènes et des canons à eau. Des courses-poursuites ont ensuite eu lieu dans des rues du quartier, accompagnées de nombreuses scènes de violences dont les photos étaient publiées dans toute la presse. Certains journaux soulignaient samedi le contraste entre la brutalité des événements d'Abbassiya, le quartier du ministère, et le calme d'une manifestation, également contre l'armée, qui s'est tenu au même moment place Tahrir, épicentre de la révolte contre Hosni Moubarak l'an dernier. Selon des sources médicales, deux personnes sont mortes dans ces affrontements. Le ministère de la Santé a fait état quant à lui d'un mort -le militaire inhumé samedi- et de 296 blessés, dont 131 ont dû être conduits à l'hôpital. Les manifestants protestaient contre le pouvoir militaire en place depuis la chute du régime de M. Moubarak en février 2011, qu'il accusent de vouloir manipuler l'élection présidentielle dont le premier tour est prévu les 23 et 24 mai. Le CSFA, qui dirige le pays, a réaffirmé jeudi sa volonté de voir des élections "100% honnêtes et transparentes" et son engagement à remettre le pouvoir aux civils avant la fin juin, une fois le président élu. Le gouvernement nommé par l'armée a qualifié vendredi soir dans un communiqué d'"injustifiables" les attaques contre le ministère de la Défense, compte tenu de l'engagement du CSFA à remettre le pouvoir à une administration civile avant le 30 juin. Le gouvernement a exhorté tous les partis politiques et le Parlement, dominé par les islamistes, à mettre les intérêts du pays "au-dessus de leurs intérêts particuliers". Des violences meurtrières avaient déjà eu lieu mercredi près du ministère de la Défense, lorsque des hommes en civil avaient attaqué des manifestants hostiles à l'armée, parmi lesquels de nombreux partisans d'un leader salafiste, Hazem Abou Ismaïl, dont la candidature a été invalidée. Ces affrontements avaient fait neuf morts selon les autorités, 20 selon des sources médicales. L'armée avait ensuite déclaré qu'elle ne tolèrerait aucune tentative de porter atteinte aux bâtiments et installations militaires.