Un évènement rarissime, relevant presque du miracle, s'est produit, en cette matinée du dimanche 18 mars, au service maternité de l'établissement public hospitalier (EPH) de Hadjout (Tipasa), dont la date de construction remonte à 1858. Ce qui s'est passé ce jour-là n'a pas laissé indifférents les corps médical et paramédical (médecins, sages-femmes, infirmiers...) et les responsables de la direction de l'hôpital. En effet, c'était l'une des rares fois où les parturientes ne furent pas contraintes de partager à deux ou à trois le même lit. Mieux encore, un des 17 lits que compte ce service demeura vide. Pour le personnel médical et paramédical c'est une journée de répit pour eux car, habituellement, ils travaillent sans relâche. Mme Benchama est la surveillante médicale du service. « Depuis le temps qu'on travaille dans des conditions à la limite du tolérable, nous sommes habituées à gérer quotidiennement la pression. Ces sacrifices ne sont pas vains, dans la mesure où le destin nous a destinés à assister les mères à donner une nouvelle vie. Certes, c'est un métier difficile, mais c'est l'un des plus beaux au monde », affirme Mme Benchama. Une fois la porte du service franchie, le visiteur met déjà le pied dans ce qui s'apparente à une salle d'attente. Un espace, plutôt un réduit de quelques mètres carrés où on a installé des chaises dont le nombre ne suffit même pas aux accompagnateurs des patientes. LA PROMISCUITE, UNE CONTRAINTE ETOUFFANTE Au bout de deux ou trois mètres de « marche à pied » un petit corridor à droite sépare deux salles où sont installés les 17 lits de la maternité. La promiscuité étouffe non seulement les parturientes mais aussi le personnel. « Cette structure n'est pas du tout fonctionnelle. Elle n'offre pas les conditions idoines pour accomplir convenablement le travail. Quand bien même le service de maternité n'offre pas toutes les conditions nécessaires, il n'en demeure pas moins que nos effectifs accomplissent leurs missions avec dévouement. Si l'on peut dire, ils comblent ce déficit, avec leur engagement et leur humanisme. D'ailleurs, tout le monde leur rend hommage, à commencer par les patientes », fera savoir un médecin de l'hôpital. En dépit de la promiscuité et du manque de personnel, on enregistre presque annuellement 5.000 naissances dans ce service. Mieux encore, la quasi majorité des accouchements se fait par voie basse, autrement dit sans recourir à la césarienne. Ce qui attire aussi l'attention dans cette maternité c'est l'irréprochable hygiène. Aucune mauvaise odeur ne perturbe le sommeil des nouveaux-nés dans les berceaux transparents flambant neufs placés à proximité des lits où se reposent leurs génitrices. PAROLES DE PARTURIENTES « J'ai accouché de mon premier bébé dans une clinique privée située sur les hauteurs d'Alger. Quoi qu'on dise, ce fut une expérience cauchemardesque. Non pas parce que ils ne s'étaient pas occupés de moi, mais l'accouchement était vraiment difficile. En revanche, mes trois autres enfants y compris ce dernier, sont tous nés ici à Hadjout. Et à chaque fois je ne le regrette pas, car ce lieu déborde d'humanisme et puis je m'y suis habituée », tient à témoigner une dame. Juste à côté d'elle, une jeune maman tenant son bébé entre les mains est aux anges. Elle est venue ici depuis Tafssassine, un douar de la commune de Beni Milleuk, située à l'extrême sud-ouest de Tipasa à la lisière des wilayas de Ain Defla et Chlef. « C'est mon premier bébé. Dieu soit loué, nous sommes, lui et moi, sains et saufs », confie-t-elle. Dans l'autre aile de la maternité, une dame à qui son gynécologue traitant a affirmé qu'elle subira une césarienne, ne cesse de raconter aux autres patientes son histoire. « J'étais hyper stressée avant l'accouchement. Pour moi c'était inéluctable. Ils devaient me pratiquer une césarienne. Seulement tout s'est passé normalement et sans césarienne Dieu merci », répète-t-elle. Toutes les patientes ont loué le sens professionnel et l'humanisme des sages-femmes. Malgré notre insistance et aussi étonnant que cela puisse paraître aucune n'a émis la moindre critique. « Les parturientes sont vraiment très compréhensives, même si souvent on est obligé de placer deux à trois sur le même lit. Sincèrement, elles comprennent les conditions de notre travail. Cela dit, nous ne sommes pas indifférentes à leur égard, puisque on essaye au maximum d'être attentionnées et bienveillantes », explique une sage-femme. En revanche, les accompagnateurs des parturientes, du moins une partie d'entre eux, se comportent souvent de manière peu civilisée avec le personnel de la maternité. « Les lieux où nous exerçons sont étroits. Malgré cela, des parents de nos patientes exigent qu'ils assistent la malade. Chose qu'on ne peut pas satisfaire dans la mesure où l'intimité des autres malades doit être respectée. On a beau leur expliquer cette contrainte, mais rien à faire. Ils insistent toujours. Néanmoins, depuis le temps qu'on est confronté à ce type de comportements on arrive à y faire face avec sang-froid », ajoute une autre. Si seulement pour ces sages-femmes les problèmes se limitaient uniquement à ce stade ! « En tout, on est 15 sages-femmes à travailler dans le service maternité. C'est vraiment insuffisant compte tenu de l'afflux des malades. Il faut au minimum doubler le nombre pour qu'on puisse travailler dans de conditions normales » avoue une sage-femme. Pis, depuis que la maternité de Hadjout est devenu pool de wilaya durant la saison estivale, les sages-femmes et l'ensemble du personnel médical et paramédical de ce service sont interdits de congé annuel en été. « Dans la wilaya de Tipasa, on recense deux pools. Le nôtre et celui de l'hôpital de Koléa. En temps normal, le taux d'occupations des lits dans le service maternité de Hadjout est de 124 %. Or durant l'été il grimpe facilement à 140 % », fera savoir un responsable de la direction de l'EPH de Hadjout. Et d'ajouter : « Notre service maternité rayonne, notamment durant la période estivale sur pratiquement toute la zone ouest et sud de la wilaya ainsi que sur des parties des wilayas limitrophes ». En effet, 36 % des parturientes qui y sont admises résident dans la daïra de Hadjout, 21 % d'Ahmeur El Ain, 8 % de Tipasa, 7 % de Cherchell, 12% de Sidi Amar et 5% de Gouraya. Le reste soit 8 % proviennent de Ain Defla, Chlef et Blida. Au vu de ces statistiques et le nombre des parturientes qui y sont admises, force est de reconnaître que la maternité en question fonctionne au dessus des ses capacités humaines et matériels. « Nous disposons de quatre gynécologues et de deux réanimateurs, d'ont l'un est en congé de maternité. Et le réanimateur exerce aussi au niveau du service chirurgie. Notre effectif en ces deux types de spécialité est très réduit. D'ailleurs on arrive difficilement à établir la liste de permanence, puisqu'il faut six gynécologues pour fonctionner plus ou moins à l'aise. En revanche, le problème ne se pose pas sur le plan des équipements. La promiscuité des lieux est un obstacle majeur pour toute amélioration allant dans le sens d'offrir de bonnes conditions d'accueil et de prise en charge. A titre illustratif, le bloc qui fait office de salle de travail a une superficie de 16 m2 où sont installées deux tables d'accouchement. Idem pour le service gynécologie doté de 16 lits. L'environnement de travail et d'accueil sont aussi difficiles que dans la maternité », révèle une source de l'administration de l'hôpital. ENFIN, UNE NOUVELLE MATERNITE ! Quoi qu'il en soit, l'actuelle maternité de Hadjout appartiendra dans un futur proche au passé. Le service sera transféré, au grand bonheur des sages-femmes et des parturientes, dans une structure neuve située au sein même de la nouvelle polyclinique située à la sortie sud de la ville en allant vers Meurad. Les surveillantes médicales des services maternité et gynécologie, en l'occurrence, Mmes Benchama et Madaoui, ont tenu à ce qu'on y fasse un tour. Pour elles, l'ouverture de cette nouvelle infrastructure est synonyme de fin d'un cauchemar et une délivrance inespérée. « Lors de sa visite effectuée dans notre hôpital le 3 janvier dernier, le wali de Tipasa a donné ordre à ce qu'on transfert la maternité à la polyclinique. Cette décision a soulagé l'ensemble de notre personnel, tant la nouvelle structure est spacieuse et permet l'accomplissement de nos missions dans de parfaites conditions », assure un responsable de la direction satisfait que le rêve soit une réalité. Occupant une aile très vaste de la polyclinique, la nouvelle maternité dispose de 25 lits et 16 autres pour le service gynécologie. Dans chaque salle, cinq lits ou bien quatre y sont installés. Cerise sur le gâteau, dans chacune d'elles on a mis un téléviseur grand écran. « La nouvelle maternité est dotée d'un matériel complet et entièrement neuf. Que ce soit pour le service gynécologie-obstétrique avec le bloc de chirurgie, de curetage, ou bien pour les autres parties de la maternité on n'a pas lésiné sur les moyens pour que cette structure réponde à toutes les exigences et normes en la matière », affirme le directeur de l'hôpital. « C'est un acquis pour les futures mamans et pour nous aussi. Cette structure offre un environnement idéal pour travailler à l'aise et sans pression. Enfin notre rêve s'est réalisée », lance Mme Madaoui. Toutefois, même dans cette vaste infrastructure, on ne peut pas parier d'avance que l'afflux des patientes va baisser. Bien au contraire, leur nombre va augmenter, selon un médecin, puisque celle-ci offre toute les commodités requises. « On est prêt à faire face à toutes les situations, dans la mesure où les conditions de travail ici sont parfaites. Seulement, on souhaite que le problème du manque d'effectif, dont nous souffrons, soit rapidement pris en charge », observe une des sages-femmes.