La coiffure reste un art où excelle un artiste qui met à la disposition de ses clients son salon devenu par la force du temps un véritable centre culturel de proximité. Il est le confident de tout le quartier. C'est par lui que transitent les nouvelles. On lui reconnaît l'art et la manière à diriger les débats autour de sujets multiples. Dans l'une des ruelles de Souk El Djemaa dans la basse casbah trône une minuscule boutique qui a vu passer des générations de coiffeurs. Ils viennent tous de la même école celle de Maitre Badaoui. A l'époque, le métier en lui-même demandait de la maestra, et de la connaissance en paramédical même. Tour à tour rabouteur, dentiste et hajam, le coiffeur de l'époque exhibait tous son attirail en vitrine. On y venait volontairement arracher une dent, ou faire une saignée. L'insigne honneur revient quand même au coiffeur de venir faire la circoncision. Durant des siècles entiers, le coiffeur restait le champion de la petite chirurgie. N'est pas coiffeur qui veut, il lui faudra d'abord avoir une vaste culture pour accompagner sa coupe au rasoir, d'un récit, d'un conte ou encore d'une chanson, à faire frémir les clients. Il est le maître de cérémonie, on lui tendi la tête, il sait exactement à quel style de coupe se vouer. Pour les anciens et connaisseurs, il y a tout d'abord le style Marlon Brando, d'autres plus orthodoxe préfère celle de Jacques Dempsey qui devint la coupe brosse à la marine. Dans tous ce magma de fantaisie, intervient la gomina pour plaquer les cheveux à la mode gitane, ou encore une brillantine sur les tempes pour laquer le tout. Ils sont nombreux à se souvenir de la place Mahon, le salon des sports de feu Hadj Mrizek, l'on venait se faire couper les cheveux à l'ancienne. Première coupe, à la clarté des bougies. Aujourd'hui, les salons de coiffure hommes ne répondent plus aux normes, on y vient juste le temps d'une coupe. En chien de faïence, sans broncher on attend son tour. Le matchmaker que fut jadis le coiffeur n'est plus qu'un robot, comptant le nombre de coups de ciseaux passés derrière la nuque. Ainsi, se meurt le tout dernier des barbiers.