Le mouvement de Rached Ghannouchi, qui est traversé par une lame de fond salafiste se prépare-t-il à une confrontation ? Le congrès prévu du 13 au 15 juillet, à Tunis pour « fixer les grandes lignes » de son programme dans la perspective des élections générales, prévues entre mars et juin 2013, pourrait apporter une réponse à cette question. Le ministre de l'Intérieur, Ali Laâridh, a indiqué, dans un entretien accordé récemment au journal français ‘'Le Monde'', que la confrontation avec les salafistes est « inévitable ». L'heure a-t-elle sonné ? Fusils et pistolets circulent librement depuis les heures sombres où des navires, bourrés d'armes pour le CNT libyen, ont appareillé à Zarzis dans le sud tunisien, dit-il. Comme pour mettre le feu à cette poudrière annoncée, l'auteur de « notre ami Ben Ali », affirme que le ministère de l'Intérieur recrute des policiers « sans vraie sélection » pour « imposer la chari'a », car en croire les Ennahdaouis et les salafistes, « les Tunisiens ne veulent pas d'un régime autre que le califat ». Khaled Tarrouche, porte-parole du ministère de l'Intérieur, dément. « Il n'y a pas de camp d'entraînement et personne ne s'entraîne dans les forêts à part les sportifs », dit-il. « Seule la police nationale est habilitée à assurer la sécurité des citoyens tunisiens », précise t-il sans expliquer les raisons de cette profusion de groupuscules prônant une pratique de l'islam de plus en plus radicale. Hizb Ettahrir, un parti islamiste, complète ce sombre tableau. Il estime que des groupes salafistes sont manipulés par des parties étrangères. « Des parties étrangères tentent d'infiltrer ces groupes salafistes non encadrés, afin de créer une situation servant leur agenda », explique Ridha Belahj, son porte-parole sans préciser ses accusations. Est-ce la raison de l'implosion de la « troïka », la coalition au pouvoir ? Entre Hamadi Djebali, le Premier ministre, Marzouki, le Président et Ben Jaâfar, le chef de la Constituante, le courant ne passerait plus. Les deux « laïcs », qui connaissent des dissidences dans leurs partis, souhaitent un gouvernement de salut national pour stopper l'enlisement du pays dans les difficultés économiques, les troubles sociaux et la défaillance sécuritaire. La société civile dénonce les agressions contre des individus et des structures et met en garde contre les « graves répercussions » de ces agissements sur la sécurité et la stabilité du pays. Elle demande au gouvernement présidé par Hamadi Djebali, qui affirme pouvoir neutraliser la dérive salafiste, d'assumer ses responsabilités et de cesser avec la politique de deux poids deux mesures. On lui reproche d'être prompt à jeter en prison le directeur d'un journal pour la publication d'une photo osée et tabasser les blessés de la révolution venus revendiquer leurs droits, il ferme les yeux devant les auteurs des agressions contre les doyens, professeurs, journalistes ou profanateurs du drapeau national. L'Union générale tunisienne du travail est montée, elle aussi, au créneau. Elle estime que les agressions contre les individus et les biens ont pour objectif de provoquer la division entre les Tunisiens. Comme pour forcer la main au gouvernement, plusieurs grèves ont débuté hier, dans l'enseignement primaire, le secteur hospitalier public et la magistrature, à l'appel de la centrale syndicale.Quatre partis destouriens (le Parti national tunisien, Al Moubadara, le Parti de la nation libre et le Nouveau parti destourien) ont annoncé, lunidi dernier, la création d'un front pour « se concerter, prendre des positions face à la situation politique nationale, organiser des manifestations communes et se préparer aux prochaines échéances électorales ».