Abane Personnalité dont la mort tragique en décembre 1957 continue de susciter des débats avec pour enjeu l'écriture de l'Histoire. Fallait-il tout dire ou privilégier avant tout la reconstruction du pays et taire les divergences ? Si au cours des deux décennies qui ont suivi l'indépendance une chape de plomb avait pesé sur la mémoire, ces dernières années, les Algériens, à travers des films et des témoignages, commencent à connaître davantage leur histoire, l'épopée héroïque et ses zones d'ombre. Boumediene Président de la République de 1965 à 1978, il a été à l'origine des plans de l'industrialisation du pays et de nombreux acquis sociaux comme la médecine gratuite ou la scolarisation massive. Il a certes refusé sous son règne l'instauration du pluralisme politique, mais beaucoup d‘Algériens reconnaissent que l'homme qui fut à la tête de l'état-major de l'ALN a contribué à améliorer le niveau de vie de la majorité et la voix de l'Algérie dans le concert des nations était respectée. Il avait assuré l'emploi et relevé le niveau de vie, notamment dans les zones rurales éprouvées par la guerre. Chadli Successeur de Boumediene, celui qui avait eu une carrière militaire procèdera à des ouvertures sur le plan économique et politique en révisant en 1986 la Charte nationale et en desserrant quelque peu l'étau sur les médias. Il avait lancé la restructuration des grandes entreprises nationales pour introduire des règles de compétitivité dans un secteur étatique jugé sclérosé. Il aura eu à gérer une période marquée par l'émergence de mouvements de contestation de nature politique ou sociale. La contrainte a été néanmoins le retournement de la conjoncture pétrolière qui débouchera sur les émeutes d'Octobre 1988. Chef de l'Etat dans un régime multipartiste, il ne survivra pas à l'épisode du FIS. Développement Sans doute le mot qui a été le plus utilisé dans le discours politique. Cette soif du renouveau s'explique par la longue privation des Algériens qui connurent toutes les formes d'expropriation et d'exploitation. Le but est demeuré le même mais les expériences ont varié. Tout a été expérimenté, de l'autogestion sous Ben Bella au socialisme de Boumediene s'appuyant sur un secteur étatique qui s'occupait de la production mais aussi de la distribution des produits industriels ou agricoles. Depuis, l'Algérie n'a pas renié ses principes visant à doter le pays d'usines et d'infrastructures. Elle a fait seulement une large et nette place au capital privé national et étranger. El Moudjahid Il fait partie du paysage. Titre d'abord du journal qui portait la voix de l'Algérie en lutte. Le quotidien né de la fusion d'Alger républicain et du Peuple après le 19 Juin 1965, accompagnera les efforts de l'Etat sur les fronts de la reconstruction. Il a formé des générations entières de journalistes et amplifia la voix des peuples en lutte. L'apparition de la presse privée et des nouveaux moyens de communication n'ont pas eu raison du doyen. Même si son tirage a été divisé par 10, il est là chaque matin depuis près d'un demi siècle et son forum demeure un rendez-vous d'informations et de débats couru par les professionnels. FLN Symbole du mouvement qui a réuni les Algériens toutes tendances confondues dans le combat libérateur, le parti, qui fut unique pendant près d'un quart de siècle, a été pour les uns un cadre de mobilisation et pour d'autres un instrument qui a empêché les Algériens d'exercer leurs libertés. Quand pour ses admirateurs il fut le défenseur des conquêtes de la révolution, ses contempteurs rappellent le fameux article 120 qui excluait les compétences des postes de responsabilité. Gourbi Le mot a disparu du vocabulaire. En une cinquantaine d'années, la population algérienne, qui était à plus de 80 % constituée de ruraux, s'est « citadinisée » à vive allure. Même si le sociologue Lacheraf préférait parler de « rurbains ». Les campagnes ont subi et connu de véritables mutations. Entamées sous l'ère Boumediene qui avait, dans le cadre de la révolution agraire, lancé les fameux villages socialistes, elle se sont poursuivies avec les différentes aides pour la reconstruction et les divers programmes de développement qui ont permis d'alimenter des villages de haute montagne ou du désert en commodités de la vie moderne. L'école, les réseaux de gaz et d'électricité ont profondément bouleversé les modes de vie et fait disparaître ces gourbis qui symbolisaient la pauvreté extrême. Hydrocarbures Bénédiction ou malédiction ? Ceux qui mettent en avant la première estiment que l'exploitation, la valorisation du pétrole et surtout du gaz ont permis au pays de se doter d'un tissu industriel et de faire face aux besoins grandissants d'une population qui s'est rapidement accrue. Depuis toujours, les ressources financières tirées de cette énergie fossile ont mis le pays à l'abri des convulsions. Ceux qui se lamentent et s'inquiètent font remarquer qu'elles ont consacré une économie peu diversifiée. Les pouvoirs publics semblent désormais conscients de devoir préparer l'après pétrole et s'appuyer sur les autres potentialités. Islam Cette composante identitaire était devenue une véritable pomme de discorde. Sa manipulation a débouché, il y a une vingtaine d‘années, sur une crise sanglante qui a failli emporter les fondements de l'Etat républicain. Vécu de manière paisible, il s'est retrouvé chargé d'idéologie politique et tiraillé entre les partis qui ont créé et élargi des fractures au sein du corps social. De nouvelles habitudes vestimentaires ont changé l'image de l'Algérien(ne) traditionnel attaché à son burnous, sa kachabia ou son haïk. L'Algérie en 50 ans a pourtant toujours honoré cette religion en construisant des milliers de mosquées, notamment en inaugurant en 1985 l'université islamique de Constantine. Jeunesse On s'accorde à dire que l'Algérie est un pays jeune et un pays de jeunes. Plus de 80 % n'ont pas connu les affres de la guerre. En 1989, 40 % des 24 millions d'Algériens avaient moins de 15 ans. Si on focalise trop sur les harragas, image d'échec et de désespoir social, on oublie que cette autre frange établie chez elle, qui dans les circuits de la production économique ou de la création culturelle, maintient vaille que vaille l'espoir. Khalifa L'affaire de ce golden boy, qui a bâti en peu d'années un empire qui s'appuyait sur le transport aérien, la location de voitures et l'audiovisuel, a transformé beaucoup de rêves en cauchemars. Des citoyens ont perdu leurs économies dans un circuit bancaire bâti sur l'escroquerie et l'arnaque. Son procès au tribunal de Blida a marqué la chronique judicaire en révélant les dysfonctionnements qui accompagnent dans tous les pays le passage d'une économie étatique à une économie privée. Lakhdar Hamina L'Algérie indépendante a réalisé des films qui ont marqué la mémoire. « La bataille d'Alger » « Omar Gatlato », « L'opium et le bâton » ou dans un registre plus léger « Les vacances de l'inspecteur Tahar » ou le « Clandestin ». Ces dernières années place à été faite au cinéma d'expression amazigh et des réalisateurs continuent, malgré les difficultés de financement et la disparition des salles, de tourner. Le volet formation dans les métiers techniques, l'ouverture d'espaces de diffusion doivent être mieux pris en charge. Alors, quelqu'un finira peut être par offrir une seconde Palme d'or à Cannes à l'Algérie après celle obtenue en 1975 par « Chronique des années de braises » du réalisateur Lakhdar Hamina. Messali Figure très controversée du nationalisme algérien, de père-fondateur de l'Etoile nord-africaine, la première organisation à lutter ouvertement pour l'indépendance de l'Algérie, il passera au statut peu enviable de pestiféré de l'Histoire. Quelques historiens comme Harbi qui publiera ses mémoires en parlait. Il aura fallu attendre l'arrivée d'Abdelaziz Bouteflika et les effets de la politique de réconciliation pour que le parcours de ce personnage soit de nouveau interrogé et commenté lors de colloques. L'aéroport de Tlemcen, sa ville natale, porte désormais son nom. Nationalisations Durant les deux décennies qui ont suivi l'indépendance, le pays a nationalisé beaucoup de ressources naturelles qui étaient aux mains d'intérêts étrangers. Cette politique de recouvrement de la souveraineté économique a culminé avec la réappropriation des hydrocarbures le 24 février 1971. Avec l'ouverture du pays au capital étranger qui s'est redéployé dans des domaines aussi divers que les banques, les assurances ou la prospections pétrolière, les sociétés nonobstant quelques entorses aux lois en matière de législation du travail n'ont pas ce statut de privilégiés. Ouyahia Le personnel politique s'est peu renouvelé en cinquante ans. D'autres noms sont apparus sur la scène se proclamant de l'opposition comme Louisa Hanoune, Djaballah ou Saïd Sadi. D'autres, à l'image de Belkhadem ou d'Ahmed Ouyahia, formés par l'école algérienne, gèrent à différents niveaux les affaires de l'Etat et des partis politiques qui, à l'ère du multipartisme, occupent la majorité des sièges dans les assemblées locale et nationale. Privé Longtemps, les petites fortunes étaient en dehors du champ économique, se maintenaient dans de petites formes d'industrie comme la biscuiterie ou le textile. Qui a oublié les chemises Redman ou le label Hamoud Boualem ? Autres temps, autres mœurs : après la rigueur socialiste, malgré les entraves dont certains à l'image de Rebrab se plaignent, le secteur privé a investi les medias, l'agroalimentaire, le sport... Les organisations patronales sont partenaires dans le dialogue social. Qui tue qui ? L'expression a dominé les débats alors que l'Algérie faisait face à un terrorisme destructeur. Ses sponsors et ses exécutants étaient connus et revendiquaient leurs actes. Il s'en trouvera pourtant des voix pour tenter de semer le trouble en incriminant les forces de sécurité algériennes à qui on imputera notamment des centaines de disparus. Le problème a trouvé un dénouement et cette carte n'est plus un moyen de pression aux mains de ceux qui ont fini par comprendre que le terrorisme n'a pas de frontières. Raï L'expression musicale venue de l'ouest algérien a réussi presque à s'imposer comme un genre national qui s'apprécie autant à Batna qu'à Ghardaïa. L'Algérie n'a pourtant pas été célébrée par Khaled ou Mami. Les espoirs et les colères de son peuple ont inspiré d'autres grands artistes, et dans tous les genres. Idir, Ait Menguelet, Doumaz Matoub, Bali, Meskoud. De grandes voix comme El Anka, Slimane Azzem, Guerrouabi ou Dahmane El Harrachi, Taos Amrouche, Fadila Dziria, Beggar Hadda se sont tues à jamais. Depuis quelques années, l'expression des jeunes a apporté dans son sillage d'autres formes d'expression comme le gnaoui ou le rap. Séisme La ville de Chlef alors appelé El Asnam a été secoué par un terrible tremblement de terre en octobre 1980. D'autres villes comme Ain Témouchent, Béni Ouartilane et plus récemment Boumerdès ont été endeuillées. Des inondations ont déferlé sur Alger emportant un millier de personnes dans le quartier de Bab - El Oued. De telles circonstances ont montré à chaque fois la solidarité des Algériens qui ont toujours tendu la main aux sinistrés. A chaque fois, l'Etat a reconstruit Tchipa Elle fait partie de ces mots comme hittistes, trabendo qui traduisent les maux dont souffre la société. Elle désigne une forme de corruption qui s'est répandue comme une traînée de poudre dans la société. Université Être étudiant dans l'Algérie coloniale était une chimère pour l'immense majorité des jeunes Algériens. Aujourd'hui, le rêve est de plus en plus accessible. La dépréciation des diplômes, les difficultés d'accès à l'emploi relativisent, sans la remettre en cause, la démocratisation de l'enseignement. Des facultés ont surgi dans presque toutes les villes, y compris celles du Grand Sud. Villes nouvelles L'Algérie ne souffre pas que de la dépendance au pétrole. La majorité de la population se concentre dans une étroite bande côtière. Pour une meilleure répartition de la population, des projets de nouvelles métropoles, comme Boughezoul et Bouinan au pied de l'Atlas blideén, en plus de celle de Sidi Abdellah dédiée aux nouvelles technologies, devraient créer à terme d'autres pôles d'activités. Le gouvernement a toujours privilégié le Sud et les Hauts-Plateaux en matière d'investissement pour un meilleur aménagement de notre vaste territoire. Wagons Longtemps négligé, le rail en Algérie a bénéficié depuis quelques années d'une grande attention. De nouvelles lignes ont été ouvertes, d'autres modernisées et les trains d'un appréciable confort sifflent à nouveau dans des villes comme Bechar ou Msila. En complément avec l'autoroute Est-Ouest et les boucles des Hauts-Plateaux, le transport ferroviaire se révèle comme un vecteur de développement pour l'Algérie qui a d'immenses territoires à valoriser et des richesses naturelles à exploiter. X Nés sous X, les centaines d'enfants à l'instar de ceux dont les mères ont été violées dans les maquis islamistes, sont une facette du drame qu'a connu l'Algérie. Le pays sous l'effet du développement voit l'émergence de nouveaux modèles d'organisation familiale et de nouvelles formes de criminalité qui ont nécessité l'adaptation et le recentrage du système de prévention et de lutte. Yacine Beaucoup de ceux qui ont honoré dans leurs écrits et recherches l'Algérie nous ont quittés. Kateb Yacine, Mammeri, Lacheraf, Ouettar, Benhadouga... D'autres, emportés à la fleur de l'âge, assassinés par les groupes terroristes, allongent cette liste. Zaouïas Si certaines furent proches des cercles coloniaux, d'autres, comme la Rahmaniya, ont été à l'avant-garde des insurrections qui ont suivi l'occupation coloniale. Tenues en suspicion par les ouléma puis par les régimes de l'après-indépendance, elles ont retrouvé une nouvelle visibilité et une dynamique. Le Président Bouteflika a eu cette intelligence politique face à la faiblesse des clercs de l'Islam officiel de faire revivre ces instances enracinées dans la mémoire locale.