Les criques discrètes, les petites plages rocheuses et îlots qui parsèment la région étaient inaccessibles. L'auberge du Thais, qui doit son nom à l'architecture du pays des bonzes, situé à quelques encablures de cap Sigli et de son phare, était le havre de quelques privilégiés. Même de nos jours, il est plus facile de trouver une place pour se rendre vers Tichy, Jijel qu'à Saket ou Tala Guilef (la fontaine du sanglier en kabyle) à 22 km de la ville de Bejaia. C'est qu'a été construit un nouveau port de pêche et de plaisance. Il dispose d'une capacité d'accueil de 100 bateaux de pêche et 50 unités de plaisance. En ce jeudi de fin juin, difficile pourtant de trouver ou planter son parasol. Tout Bejaia semble s'être donnée rendez-vous ici. Pas seulement, les immatriculations de voitures trahissent l'origine des estivants. Ils viennent aussi de Sétif, de Constantine, de Tizi Ouzou et de divers départements de... France. « La côte est de Bejaia est trop bruyante et sa nature a été saccagée », nous confie un dentiste venu en famille de Ain M'lila. « La cohue est moins visible même si les week-ends nous tendons à ressembler à Tichy ou Aokas », confirme un gardien de parking. Bejaia est à une quinzaine de kilomètres. À la fois proche et lointaine. La montagne de Gouraya qui » l'enveloppe » semble tourner le dos à cette portion de côte. Elle est très peu peuplée contrairement à la vallée de la Soummam ou aux montagnes qui surplombent la côte est. C'est une région vierge avec des garrigues à perte de vue et la présence humaine y est très réduite. Un simple chiffre suffit pour illustrer cette situation. La commune de Beni Ksila compte moins d'une centaine de logements sociaux. Les deux communes limitrophes de la grande bleue, Béni Ksila qui jouxte Tizi Ouzou et Toudja enregistrent une faible densité. Ces dernières années, la situation sécuritaire s'était dégradée dans cette région où de nombreux attentats avaient été enregistrés. Certes, la route comme le tronçon reliant Tigzirt et Dellys n'a jamais été fermée à la circulation mais les automobilistes n'étaient pas rassurés. Cette contrainte ne semble plus de mise car maintenant beaucoup de « Bougiotes » rejoignent Alger en passant par le luxuriant massif forestier de Yakouren ou longent la côte. Les chaleurs de la plaine de Bouira rebutent de plus en plus les voyageurs et les chauffeurs. Nous n'assistons pas à ce phénomène qui commence à faire son apparition près de Tigzirt et d'Azzefoun où le béton des résidences secondaires commence à défigurer les paysages. Le risque est de revoir cette expérience se reproduire sur cette côte qui jusqu'à présent se trouve autant préservée des dégradations de l'homme que de celles de l'industrie. Nul complexe ne vient déverser ses déchets dans les eaux cristallines du large. CALME ET BAIGNADES C'est dans ce qu'elle qualifie de « paradis » que la famille Khelifi a trouvé refuge pour ses vacances. « Nous avons loué une petite maison à Saket que nous avons repéré sur Internet et, sincèrement, raconte Souad, nous sommes ravis de ce séjour ». « Certes, côté animation, y a pas grand-chose, mais vivant à Paris le reste de l'année, ce n'est pas ce que nous recherchons ». Le mari de cette ingénieur à SFR opine du chef et explique que « le couple se contente des baignades et du calme dont nous avons tant besoin ». Ils font parfois un détour par Bejaia pour escalader Yemma Gouraya, mais ils gardent un meilleur souvenir de Djebla, un village traditionnel kabyle en haut de Beni-Ksila, qu'une association a admirablement restauré. Ils ne sont pas venus seuls mais avec un couple d'amis d'Alger. Tout le monde semble avoir trouvé son compte. Le prix de la location à 70 000 DA/ mois a été divisé par deux. Ahmed Benadji fait partie de ces personnes qui, il y a une vingtaine d'années, avait acheté un terrain pour bâtir une maison qui s'intègre dans ce vaste et harmonieux ensemble de villas qui dominent la mer. « La seule tache noire dans ce tableau, dit il, est cette décharge où viennent se déverser les ordures ménagères de la ville sinon je suis optimiste car le centre de gravité de la ville de Bejaia sera de ce côté ». Pour cet ancien pilote d'Air Algérie, « nous devons développer un tourisme qui nous épargnera les bétonnages de la côte mais un autre qui permettra de se réconcilier avec la nature ». Il y a quelques années le défunt Idir, gérant de l'agence Soummam Tours, avait ouvert un centre près de Tighremt qui avait un grand succès auprès des amoureux de la nature. Il ne faut pas en somme reproduire les mêmes erreurs qui ont conduit à la saturation de l'axe Tichy-Melbou. Deux zones d'expansion touristiques accueillent déjà les premières infrastructures comme le complexe de Boulimat qui peine à faire face à l'afflux de la demande. Depuis le début de l'année, les habitués ont réservé ; difficile de trouver une place même chez les privés, nous confie un gérant du complexe. « Sauf peut-être durant le Ramadhan où la région se vide presque ». Les estivants font place aux pêcheurs qui trouvent la meilleure façon de passer le temps jusqu'au fatidique appel du muezzin. Et retournent aussi avec de bonnes prises.